Ils chantent, dansent et jouent la comédie, mais qui sont-ils? C'est ce que nous allons voir. A l'instar de Les parapluies de Cherbourg, à titre d'exemple, monument indémodable dans l'histoire des comédies musicales européennes, qu'on ne cesse de rediffuser sur les chaines télé françaises, Essaha est un film musical, unique dans son genre. Une première en Algérie. Réalisé par Dahmane Ouzid sur un scenario de Tahar Boukella et produit par Machahou production avec le concours du ministère de la Culture, Essaha est décliné en une succession de tableaux aux thématiques sociopolitiques diverses, sans doute les sujets des 18 épisodes consacrés au profit du feuilleton télé, l'autre version du produit. Un peu lourdaud quand même, le film prend le parti de rendre compte du vécu de notre société algérienne dans un style hautement coloré. Le langage des jeunes est brut, tel qu'entendu dans la rue, sans connotation péjorative aucune. Si Essaha pêche par une carence évidente au niveau des expressions corporelles, autrement dit, la danse, la musique elle, se veut d'un autre niveau. Des compositions de qualité signées par des noms connus et reconnus sur la scène musicale algérienne et ailleurs, tels Cheikh Sidi Bémol spécialiste dans le genre «gourbi rock» chantant le mal-être des zouaves, des pauvres gens et autres bandits...La musique est inspirée du terroir et mixée à des sons modernes. Si beaucoup de choses ont été dites quant aux difficultés de financement du film, du casse-tête chinois pour sa fabrication et le défrichage de ses talents, peu ou prou a été dit sur ces jeunes artistes qui ont pris part à cet objet hybride, conçu à l'algérienne pour les Algériens. S'il est affirmé que 75% de jeunes composent la société algérienne, alors ce film s'adresserait de prime abord à cette partie de la population sur laquelle cela mérite de s'y attarder. Qui sont-ils? Nous avons été à leur rencontre, lors de la projection au public. Certains étaient accompagnés de leur parents, d'autres venus avec leur amis afin de les soutenir et assister pour la première fois à un film pas comme les autres. La première interrogée est Laloui Ghazel, étudiante en troisième année actorat à l'Ismas. Toute fringante dans sa longue robe noire, et chaussures à talons, nous abordons d'abord avec elle le profil de son personnage: «J'interprète un des rôles principaux, celui de Affaf. Ce rôle est vraiment inspiré de la réalité, celui d'une fille qui est tombée malheureusement sur un type qui ne l'a pas comprise. Elle n'aspirait pas à la matière mais simplement à la quiétude et au bonheur simple avec celui que son coeur a choisi et lui est parti vers la drogue. Il a fait son possible pour me rendre heureuse jusqu'à tomber dans l'interdit. C'est une comédie musicale, certes mais son contenu est beaucoup plus politique, social et dramatique, car il dénonce pas mal de choses graves.» Et de révéler: «Ce n'est pas ma première expérience. J'ai déjà eu des petits rôles, mais cette fois, j'ai campé un rôle important, dasn lequel j'ai beaucoup appris. C'est une expérience très rare et très belle qui m'a été des plus bénéfiques. Je suis fière de figurer parmi les participants. Ce n'était pas une mince affaire. On a bossé jour et nuit. Je suis aussi chanteuse. Parmi les conditions du casting, il était demandé de savoir jouer, chanter et danser notamment..Moi, j'ai appris la danse contemporaine, chose que je ne connaissais pas avant...». Côté musique, nous avons fait connaissance avec Messaoud Bilal, artiste rappeur, danseur, comédien, cascadeur et compositeur. Que de casquettes cumulées. Il nous livre ses impressions: «J'ai combiné tout ce que je savais faire dans ce film.» Bilal a écrit et composé pas mal de morceaux au profit d'Essaha notamment Alabali rak mahmoum sur la drogue. Il a par ailleurs signé les paroles du morceau kifech n'dir. Sur le plan travail, Bilal reconnaît que les répétitions étaient dures. «Au départ on ne se connaissait pas, le travail était difficile, avec le temps on s'est habitué à cette place et on a pris goût au challenge car cela concerne les jeunes. Jamais je n'ai vu cela en Algérie. Nous y avons participé avec beaucoup de plaisir.» Bilal affirme s'être complètement retrouvé dans ce film de par le message qu'il véhicule. «La façon de véhiculer ce message est une première. Ce qui est intéressant à souligner est qu'on utilisait le même dialecte ou argot avec lequel on parlait entre nous en dehors du tournage. On était par conséquent très à l'aise lors du tournage. Je parlais dans le film de la même manière que je discute dehors avec un pote. C'est pourquoi je pense que le message parviendra aux Algériens.» Délurée à l'instar de son personnage, elle est à l'antipode de son amie Affaf dans le film. Elle s'appelle Meddour Imene, cheveux courts, elle a 20 ans et est originaire de Annaba. «Dans Essaha, je campe le rôle de Zahou, une artiste qui affectionne le chant et la danse. Elle est un peu frivole comme vous l'avez sans doute remarqué. Zahou c'est presque Imene dans la vie. Essaha reflète effectivement la réalité sociale des jeunes algériens. A travers ce film, on voulait passer un message, à savoir que la jeunesse algérienne a des capacités. Nous avons beaucoup à donner au niveau danse, chant et comédie. Il ya beaucoup d'artistes cachés. Il faut juste leur donner les moyens pour y arriver. Il faut qu'on nous aide, qu'on nous donne l'opportunité de montrer ce qu'on peut faire.»