L'une des plus grandes figures du théâtre algérien est revenue, samedi soir, sur scène à Alger avec Conseil de discipline, une pièce théâtrale écrite en 1994. Le drame de la guerre d'Algérie est au coeur de la pièce de Slimane Benaïssa, Conseil de discipline, jouée, samedi soir, sur les tréteaux de la salle Atlas à Bab El Oued. C'est dans un décor simple et dépouillé qu'apparaît en premier lieu, un pied-noir juif avec sa guitare fredonnant des airs orientaux. Quelques secondes après, un autre pied-noir le rejoint, Sultana. Les deux hommes sont des enseignants dans un lycée en Algérie. Le proviseur de l'établissement où ils travaillent les a conviés à un pique-nique. On est en 1959, la guerre en Algérie entre les résistants algériens et l'armée française avait atteint son apogée. Les tensions entre les différents protagonistes embrasaient le pays. La guerre d'Algérie est alors le sujet de prédilection dans toutes les discussions entamées dans les cafés, dans les maisons, dans les écoles...entre amis, entre cousins et même entre collègues. Attendant l'arrivée des autres, le sujet de la guerre s'impose dans leur conversation. C'est alors que le pied-noir juif lance sur un ton grave à Sultana, partisan de l'Algérie française et frappé d'effroi à l'idée de perdre l'Algérie, sa terre natale: «Nous avons déjà perdu la guerre parce qu'on refuse de la comprendre...». Le proviseur ainsi que d'autres enseignants arrivent sur place. Le premier responsable de l'établissement scolaire (interprété par Djamel Bouneb) les avait «convoqués» pour trouver une solution équitable à un incident grave qui a eu lieu au lycée quelques jours plus tôt. Un Français, Jacomino avait agressé au couteau son camarade... un Arabe, Atmurth. Le proviseur insistait pour arriver avec ses collaborateurs à une solution qui n'envenimerait pas la situation déjà tendue au lycée. La composition du personnel de l'établissement représentait en quelques sortes toutes les communautés dont était composée l'Algérie à l'époque. Des pieds- noirs quelque peu catégoriques, des juifs, des communistes, des Allemands mais aussi des Algériens appelés les Arabes. Ces enseignants se rencontrent à proximité de la carcasse d'une jeep rouillée et sur laquelle est gravé le slogan: «Vive FLN». L'évènement survenu au lycée a mis en branle tout l'établissement. Le proviseur voulait absolument avoir les avis et les propositions des uns et des autres lors de cette réunion. Les héros de Conseil de discipline, la pièce de Slimane Benaïssa, ne se murent guerre dans le silence. Ils sont tous, sans exception aucune, éloquents et volubiles. Alors que Sultana s'échinait à défendre l'agresseur (un pied-noir français), les autres enseignants dont l'Arabe, Tahar (enseignant de mathématiques interprété par Slimane Benaïssa), le communiste, Billard et le Français d'origine allemande, Muzer (professeur de mécanique), défendaient ardemment l'enfant arabe et à travers lui la lutte de toute un peuple pour reconquérir sa liberté. Le metteur en scène donnera la parole à tout le monde. A travers ces personnages déterminés et convaincus, Benaïssa met en scène les dissensions irréconciliables entre les différentes communautés dans l'Algérie des années cinquante. C'est tout le drame engendré par la complexité d'une guerre violente et terrifiante, les déchirements des uns et des autres qu'il nous propose à revoir via cette oeuvre. Les différents personnages étaient interprétés par des artistes algériens de grand talent dont Arselane, Mustapha Ayad, Mohamed Remas et Brahim Chergui. Egalement comédien, Slimane Benaïssa avait joué lui- même le rôle de l'Arabe Tahar. Avec Conseil de discipline, Slimane Benaïssa, l'une des plus grandes figures du théâtre algérien revient sur les planches après des années d'absence. Conseil de discipline est une oeuvre qui a été écrite en 1994, une année après qu'il s'est exilé en France. Auteur, dramaturge et metteur en scène, Slimane Benaïssa était un proche collaborateur de Kateb Yacine. La pièce a été jouée en arabe dialectal. «J'entends mon peuple dans toutes ses langues.» avait-il déclaré lors d'un entretien avec un site Web culturel.