Lorsque, au souci de connaître son identité et de préserver sa mémoire, vient se greffer le déchirement de l'exil, l'œuvre d'un dramaturge en portera toujours quelques séquelles. L'auteur, notamment de l'inoubliable Boualem zid el gouddem ne faillit, à l'évidence, pas à cette règle. Mais le départ peut aussi avoir des conséquences inattendues. Parti d'Algérie, il y a plus de dix années, Slimane Benaïssa vient d'être honoré Docteur honoris causa par l'université de la Sorbonne, l'une des plus prestigieuses de France, son pays hôte. Slimane Benaïssa est lauréat, en 1993, du Prix de la société des auteurs et compositeurs et nommé membre du Haut-Conseil de la francophonie par le président de la République française en 2000. Lors de la conférence de presse, organisée hier au centre de presse d'El Moudjahid, à laquelle ont assisté, entre autres, l'ambassadeur de France à Alger, le cinéaste Mohamed-Lakhdar Hamina, la comédienne Dalila Hlilou, Slimane Benaïssa, de passage à Alger, est revenu sur son parcours artistique qui le mènera de Guelma, sa ville natale, aux tréteaux des théâtres de France, en passant par le ministère de la culture. “Enfant déjà, j'avais compris que pour ne pas me sentir en exil, il me faudrait habiter la Lune”, a t-il confié. Mais à défaut d'une autre planète, l'auteur de l'autre célèbre pièce Babor ghraq, “jouée 500 fois en six ans”, est parti en France. “Mais il m'a fallu près de deux années pour pouvoir écrire. Ce n'est que parce que la France m'offrait un espace de liberté que je pouvais écrire du théâtre. Il me fallait, avant, connaître et aimer la société française.” Cette connaissance ne l'empêchera pas de reconnaître cependant : “Ce n'est pas parce que je suis algérien que je peux comprendre les jeunes Beurs”, faisant allusion aux émeutes dans les banlieues françaises. De cette époque de réflexion, naîtront donc plusieurs œuvres dont Les fils de l'amertume, Prophètes sans dieux, Mémoires à la dérive et Ailleurs, ailleurs. Cependant, pense-t-il au retour ? à cette interrogation, il dira que si après dix années d'absence, il revenait au pays, ce serait comme “un deuxième exil. C'est pour cela que je veux construire mon retour.” Samir Benmalek