Le sujet de la pièce de théâtre, Le Conseil de discipline, jouée à la salle Atlas, samedi, est quelque peu éculé, mais retrouve avec Slimane Benaïssa, dramaturge reconnu, une autre dimension. Toute l'action se déroule à la fin de l'année 1959, au cours d'un « étrange pique-nique » organisé dans une clairière aux alentours de la ville. La rencontre des protagonistes, professeurs d'un lycée technique de l'est d'Alger réunis autour du proviseur, fait suite à une dispute au cours de laquelle l'élève Jacomino, donnera un coup de couteau au ventre à son condisciple, Atmourt. Le proviseur provoque cette réunion à laquelle il a invité 6 enseignants, représentatifs des différentes communautés, pour tenir une sorte de « pré-conseil ». Le décor n'est pas celui d'une classe, mais une clairière où « gît », calciné, un tank sur lequel est inscrit le slogan, bien mis évidence, de « Vive le FLN ». L'école en ces temps de guerre n'est plus en retrait de la vie et de ses soubresauts, comme s'ingénie à le vouloir le proviseur, un Français originaire de Toulouse, marqué par des idéaux humanistes de l'école de la IIIe République, qui s'est efforcé, sans trop y parvenir, à réunir les différentes communautés dans un même creuset. Sultanat, pied-noir obtus et fort en gueule, a réussi par ses manières déplaisantes à se faire détester de ses collègues : de Tahar, le professeur de mathématiques arabes, de Billard, le socialiste athée, de Cohen, le juif, et de Mauzer, le professeur de mécanique, d'origine allemande. Sisco, le pied-noir d'origine italienne, le beau aux yeux clairs à l'« élégance maladive », a été étrangement « biffé » de la pièce jouée dans la salle de Bab El Oued. L'histoire de la pièce se déroule une année après le retour au pouvoir du général de Gaulle, qui n'arrive pas à « pacifier et intégrer » les différentes communautés mais « provoquera » par ses décisions l'irréparable : la rupture. Le dramaturge affirme avoir voulu dans cette pièce faire entendre les petites gens, le « petit Blanc » soucieux de son avenir en Algérie et l'Arabe, lésé dans ses droits mais n'aspirant qu'à l'indépendance de son pays. Dans ce « huis clos étouffant », chacun défend sa vérité qui ne s'impose pas aux autres. Une situation s'est imposée pourtant à eux tous : l'inéluctabilité de la séparation des communautés qui formaient l'Algérie d'alors. Le dramaturge a cherché à rendre compte de la situation de l'époque. « Trente ans sont passés depuis la guerre d'Algérie (la pièce a été publiée aux éditions Lansman en 1994) ; pendant ces trente ans, tant d'un côté comme de l'autre, un lourd silence a été maintenu, la parole a été donnée aux seuls militaires et encore… de manière sporadique. Ils se sont alors perdus dans des analyses stratégiques, expliquant tout… sauf ce qui s'est réellement passé », relève le dramaturge au début de sa pièce. Benaïssa, dramaturge originaire de Guelma, a fait le pari de montrer les impressions de son enfance. « Enfant de cette guerre, c'est dans la vie quotidienne que je l'ai perçue. Et c'est dans le déchirement des différentes communautés vivant en Algérie que j'en ai compris l'intensité. Je reste profondément marqué, sur le plan humain, par la générosité du dialogue qui existait entre les différentes communautés et religions, malgré les points de vue parfois trop divergents, pour essayer de dépasser ce que chacun pressentait comme inéluctable : la séparation. Telles étaient mes préoccupations en écrivant Conseil de discipline », poursuit-il. La pièce, jouée en présence du « gotha » artistique d'Alger, a connu quelques imperfections : elle a été « interrompue » par l'appel à la prière dans la mosquée voisine de la salle, chose qui a « agacé » une partie du public qui n'arrivait pas par moment à écouter les acteurs.