Pour tenir le coup sous cette chaleur, l'eau est devenue vitale pour se rafraîchir et reprendre des forces. M.B. n'a que 21 ans. Il travaille au chantier du métro d'Alger à Bachdjerrah II, depuis à peine deux mois et demi. Après plusieurs années d'errance et de chômage, il «chute» avec bonheur, dit-il, dans ce chantier où il exerce son métier de soudeur. Ils sont une quarantaine d'ouvriers activant dans divers secteurs, couvreur, ferrailleur, grutier...à s'affairer sous un plein soleil brûlant dans cet immense chantier «sans fin». La chaleur accablante est devenue le lot quotidien de ces hommes qui grouillent nombreux dans les chantiers de la ville: voirie, construction de voie de tramway, de métro...En pleine canicule, ces employés innombrables travaillent à des tâches pénibles. Approché, l'un d'eux nous dit, comme pour s'excuser «j'ai pas le choix, j'ai des enfants à nourrir» et de poursuivre «j'ai pas eu la chance d'étudier pour travailler aujourd'hui dans un bureau climatisé». Bachdherrah II dispose heureusement de deux branchements sur le réseau d'eau potable. L'un est d'une fraîcheur très agréable alors que l'autre s'écoule à une température plutôt tiède, mais qui permet quand même de rincer la sueur qui inonde ces travailleurs. Pour tenir le coup sous cette chaleur, l'eau est devenue une nécessité pour se rafraîchir quelque peu et reprendre un tant soit peu ses forces. Ce service devrait être obligatoire pour les entreprises employeuses. Elles doivent faire parvenir à leurs salariés cet élixir de santé et de bien-être en quantité illimitée et avec la plus grande fraîcheur possible. «C'est essentiel pour leur bien-être, tout comme pour la bonne marche du chantier», admet un responsable sur place regrettant toutefois que ce ne soit pas toujours le cas, ni ici ni ailleurs dans les autres chantiers. Sous d'autres cieux, cette tâche obligatoire est très souvent usitée. La médecine du travail s'emploie de façon incessante à avertir des risques d'une exposition prolongée à la chaleur. Ils sont multiples et vont de la déshydratation au coma. Il est du reste conseillé dans ce cas de «boire un verre d'eau tous les quarts d'heure, pour anticiper la déshydratation», expliquent les spécialistes. La tenue de travail exigée au chantier n'arrange pas les choses, mais «sécurité oblige.» Ainsi, il est ordonné de «porter les pantalons et de lourdes chaussures de sécurité qui conservent la chaleur et donnent plus chaud encore», nous explique le jeune et nouveau travailleur M.B, visiblement accablé par toutes ces consignes de discipline nouvelles pour lui et difficiles à appliquer sans parler de la transpiration qui l'a transformé en un pigeon mouillé tant il ne cesse de suer en ce temps chaud et humide. Il a cité pour nous, le port obligatoire du gilet jaune, pour signaler la présence d'un travailleur sur un chantier. Il est différent selon les entreprises, dit-il tout en expliquant que «certaines ont investi dans des tee-shirts assez légers, c'est plus pratique.» Un autre collègue de travail plus ancien se plaint: «Les chaussures qu'on porte, sont lourdes et gardent la chaleur dans nos pieds dont les orteils sont déjà meurtris par les gerçures du froid de l'hiver.» Tout un chacun use de ses propres techniques pour résister à la chaleur. Y.B a ses petits trucs bien à lui. «Je bouge tout le temps. Si vous vous asseyez en plein soleil, c'en est fini pour vous», avertit-il. Sur un autre petit chantier du métro, situé au boulevard des Frères-Hanachi, non loin du quartier Panorama, quelques ouvriers occupent les lieux sous un soleil de plomb. Ils venaient d'observer l'heure de pose pour un «déjeuner» très frugal, composé d'un morceau de pain accompagné d'une tomate et d'un melon, hélas! pas frais du tout. Ils s'approvisionnent comme ils le peuvent en eau ou limonade ou tout autre victuaille, chacun selon ses moyens, disent-ils. L'équipe façonnait un voile pour le passage de la rame de métro. Le ministère de la Santé devrait, à notre avis, intervenir pour interdire le travail aux heures impossibles. «Il y va de la santé des employés», se hasarde à dire un employé qui avait travaillé dans des chantiers dans le sud de la France par des températures quand même plus clémentes, mais chaudes pour la région. Dans certains pays du Moyen-Orient, comme au Koweït par exemple, il est interdit de travailler durant les heures les plus chaudes de la journée. Une décision cependant difficile à faire respecter par les barons du secteur, qui se plaignent du manque à gagner durant ces heures d'arrêt de travail assuré dans sa quasi-totalité par des Asiatiques.