Le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, vient de se payer une crise et de mettre en péril sa majorité parlementaire. En se séparant avec éclat de son allié Gianfranco Fini, le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi pourrait bien avoir marqué «un but contre son camp» et mis en péril sa majorité, estimaient, hier, les experts, qui n'excluent pas l'organisation d'élections anticipées. «Les chiffres semblent donner raison à Fini et tort à Berlusconi», analyse Angelo Panebianco, du Corriere della Sera, au lendemain de la décision de 32 députés proches de Fini de quitter le parti au pouvoir et de créer un groupe autonome, après les violentes attaques de Berlusconi contre le président de la Chambre des députés. Alors qu'il disposait depuis deux ans d'une confortable majorité au Parlement, le président du Conseil devra désormais composer avec «des marges de manoeuvre trop étroites, une navigation parlementaire semée d'obstacles», souligne l'éditorialiste. Selon plusieurs médias italiens, le bouillant chef du gouvernement, 73 ans, a pris seul la décision de partir à l'attaque contre son allié récalcitrant, contre l'avis de ses plus proches conseillers. En chute dans les sondages depuis plusieurs mois, Berlusconi a marqué un but contre son camp, résume Giacomo Marramao, professeur de philosophie politique à l'université de Florence. Le Cavaliere risque en effet de se retrouver en difficulté pour l'adoption de projets de loi qui lui tiennent à coeur: ses réformes de la justice -qui au passage lui permettent d'éviter sa comparution devant les juges- ou le texte controversé sur la limitation des écoutes téléphoniques, déjà édulcoré par les amis de Gianfranco Fini et dont la discussion a été reportée à l'automne. Un vote de confiance, comme celui auquel il a recouru au Sénat et à l'Assemblée pour l'adoption du plan d'austérité, serait désormais risqué. Au-delà des chiffres, la réponse de Fini, qui a refusé de démissionner et s'est posé en garant de «la légalité», pourrait trouver un écho, «y compris parmi les électeurs de Berlusconi qui ne supportent plus sa dérive populiste», affirme Marramao. Même pour le quotidien de la famille Berlusconi, Il Giornale, le chef du gouvernement court à présent «un risque», a fortiori si Fini est soutenu par le président de la République Giorgio Napolitano, resté très discret depuis le début de la crise. Face au blocage, la seule issue pour Silvio Berlusconi pourrait être d'aller au choc avec ses anciens alliés et provoquer lui-même la chute de son gouvernement, en engageant, à l'automne par exemple, sa confiance sur un texte controversé. Bien avant l'échéance normale de 2013, «les élections anticipées sont plus qu'une hypothèse. Elles semblent l'issue naturelle d'un cafouillage politique créé par un calcul précipité», estime Stefano Folli, du quotidien économique Il sole 24 ore, qui a le sentiment d'assister aux «convulsions d'une fin de règne». Pour lui, «il est dans le style (de Berlusconi) de regarder vers les urnes comme voie de sortie à l'éternelle difficulté de gouverner avec efficacité». Le Pr Marramao estime aussi que «l'unique chance pour Berlusconi est de recourir aux élections», d'autant que, selon lui, «c'est sa seule façon de faire de la politique, vivre en campagne électorale perpétuelle». Dans cette optique, le coup de sang du Cavaliere pourrait ne pas être un si mauvais calcul. «Berlusconi sait très bien ce qu'il fait», assure le philosophe Paolo Flores d'Arcais, directeur de la revue Micromega. Selon lui, Berlusconi ne manquerait pas de remporter le scrutin, à la fois grâce au système électoral, à «sa domination sur les médias», et aussi «parce qu'il n'existe aucune autre alternative crédible».