Si vous vous ennuyez sur la plage et vous ne savez pas quoi faire de votre journée sur le sable, ce livre est tout indiqué pour vous faire passer le temps... Des ballerines de Papicha de la jeune Kaouther Adimi est un roman frais, digeste qui se lit d'un trait. Au contenu, certes amer, tristounet, mais laisse entrevoir un je-ne-sais quoi d' une petite fente donnant sur la légèreté et la naïveté d'une fleur candide à suivre de près. Des ballerines de Papicha suinte la désillusion, aspire le quotidien morose des gens ordinaires. On y plonge la tête baissée dans ses pages que l'on lit mi-intrigué mi-amusé. Blessure, meurtrissure, déconfiture et mélancolie mais aussi et surtout la soif de vivre et la vie devant soi chante ce roman de 150 pages édité récemment chez Barzakh. Une tentative réussie pour cette étudiante en littérature, née en 1986. Une presque «papicha» quoi! la vie à l'université de Bouzaréah, qu'elle connaît bien, est décrite avec drôlerie en grossissant parfois les traits de ses personnages. Ces derniers, parlons-en. Le roman se décline en une succession de portraits. Des êtres pas du tout à envier ni à plaindre non plus, tout compte fait. Car ils constituent la somme de gens que l'on croise tous les jours dans la rue. Certes, leur vie n'est pas toute rose. Le livre Des ballerines de Papicha, premier roman de cette jeune auteure prometteuse, met en scène une famille qui vit quelque part dans un quartier populaire d'Alger. Nous sommes aussi transporté à bord d'un bus avec la belle Yasmine dans Alger pas du tout blanche. Le roman donne aussi la parole à tour de rôle à chacun des membres de cette famille qui se scrute, a peine de vivre, désoeuvrée...S'en dégage de ce livre une grande solitude tragique de ces individus, seuls, abandonnés dans leurs rêves, leur révolte intérieure souvent tue, et leur désenchantement...Ainsi, on pénètre dans la conscience déchirée de Adel, aux prises avec sa culpabilité fragile d'un garçon un peu trop sensible que la moyenne, faisant de lui un homosexuel décrié dans le quartier, mais aimé d'un amour démesuré et surprotégé par sa soeur Yasmine, fille froide et batailleuse qui paraît mi-lucide, mi-frondeuse et insolente. Une jeune fille qui, comme beaucoup d'autres de son âge, tente de mordre la vie à pleines dents, cigarette au bec. Il y a aussi la petite Mouna de 12 ans qui ne ressemble à aucune fille de son âge, toute candide et rêve déjà de se faire entretenir plus tard par son futur prince charmant, son camarade de classe. Une adorable «papicha»! Il y a aussi Sarah qui étouffe du trop- plein d'amour que lui porte son mari Hamza, incompris et taxé de fou. Entre folie et poésie, les pages de ce roman s'enchaînent entre lassitude et rêverie, souffle de vie et noirceur de l'âme. Au milieu de ce vacarme de sourd il y a une mère abasourdie qui se demande ce qu'elle a fait pour mériter des enfants pareils, doutant même de leur filiation. Et puis, il y a Hadj Youssouf qui se plaît à chercher de la couleur et de la beauté dans les jupons des jeunes filles mal-aimées à la sortie des facs. Un groupuscule humain avec ses défauts et caractères psychologiques, qui forme une certaine frange de la société. Une société un peu malade de ses errements et égarements qui peine pourtant à s'en sortir et se débrouille comme elle veut ou peut. Comme une petite graine qui a poussé trop vite et pointe son nez vers le soleil ou encore cette herbe sèche qui se bat désespérément à quémander, en quête d'eau fraîche, le livre évoque l'oisiveté d'une jeunesse en mal de vivre dont une partie rêve de harga et une autre se voit déjà l'élite de demain. Ecriture sensible et percutante, Des ballerines de Papicha laisse bizarrement un goût de sel dans la bouche. Sel de la légèreté des temps maussades, de la moiteur du clair de lune au milieu de la solitude sordide d'une destinée maudite...