Des «aveux» recueillis sous la contrainte recevables, un accord de plaider coupable tenu secret: les tribunaux militaires d'exception de Barack Obama à Guantanamo ont déjà connu une série de couacs. «Le gouvernement a prouvé» que les déclarations faites par le Canadien Omar Khadr arrêté à 15 ans en Afghanistan étaient recevables, «la demande de la défense de les supprimer est donc rejetée», a décidé lundi le juge militaire Patrick Parrish. «Cette décision n'arrange pas la crédibilité des tribunaux d'exception (...), ça ne va faire qu'alimenter les critiques et saper la confiance du grand public dans leurs verdicts», explique David Glazier, professeur de droit à l'université Loyola de Los Angeles. «C'est la théorie du fruit empoisonné: on ne peut pas faire la différence entre les aveux recueillis sous la contrainte et ceux qui ont suivi, même si ces derniers ont été obtenus sans contrainte», affirme Gary Solis, professeur de droit qui suit les procédures à Guantanamo pour l'Institut national de Justice militaire. «Les tribunaux d'exception ont de bonnes chances d'être critiqués à chaque étape, beaucoup de leurs détracteurs continuent de les associer aux techniques d'interrogatoires musclés, ce type de décision est évidemment de celles susceptibles d'attirer le plus de désapprobation», confirme Matthew Waxman, ancien secrétaire adjoint à la Défense de George W. Bush. Parallèlement, la juge militaire Nancy Paul, chargée du procès devant un tribunal d'exception d'Ibrahim Al Qosi, ancien cuisinier d'Oussama Ben Laden, a annoncé lundi que les termes de l'accord de plaider-coupable passé avec le gouvernement américain resteraient secrets. M.Al Qosi a été condamné mercredi à 14 ans de prison par un jury réuni à Guantanamo, mais il est impossible de savoir quelle sera sa peine réelle sans que soit révélé l'accord. «C'est choquant, nous sommes censés assister à des procédures transparentes et l'administration s'est engagée à la transparence, c'est exactement l'inverse qui se produit», estime Eugène Fidell, professeur de droit militaire à Yale. «Cela pose la question de l'opacité de ces procédures», reprend Andrea Prasow, qui suit les procès à Guantanamo pour Human Rights Watch. Autre faux pas mercredi, la même juge Paul n'a pas caché son agacement devant l'absence de règles écrites sur les conditions d'emprisonnement des condamnés. La question a été soulevée lundi par la défense: dans l'accord de plaider-coupable, M.Al Qosi avait reçu la garantie qu'il resterait dans le camp 4 de Guantanamo, où les détenus disposent de davantage de libertés. Mais la règle des prisons militaires veut qu'un détenu condamné soit séparé des autres et placé à l'isolement. Les audiences ont été ajournées pendant une journée entière. La juge Paul a finalement qualifié la situation de «perturbante», appelé le Pentagone à davantage de coordination avec le terrain, et donné 60 jours à l'ensemble des acteurs pour trouver une solution. «Un nouveau système qui se fait les dents», selon Gary Solis, «une violation des droits de l'homme au nom de l'antiterrorisme», pour Amnesty International, les tribunaux militaires d'exception, créés par George W. Bush et réformés par Barack Obama continuent de diviser. «L'administration a choisi Khadr comme procès-test pour évaluer s'il est possible de traduire devant ces tribunaux les accusés du 11 septembre», rappelle David Glazier. «Si elle constate qu'ils permettent de faire admettre des preuves qui ne le seraient pas devant un juge fédéral, et que ça ne choque pas trop le grand public, il y aura d'autres procès», prédit-il. L'avocat d'Omar Khadr s'évanouit en pleine audience L'unique avocat du Canadien Omar Khadr, le lieutenant-colonel Jon Jackson, s'est évanoui jeudi après-midi dans la salle d'audience du tribunal militaire d'exception de Guantanamo, et ne devrait pas pouvoir reprendre son poste avant lundi. En plein contre-interrogatoire d'un témoin de l'accusation, l'avocat militaire a demandé une pause de cinq minutes au juge. Selon plusieurs témoins de la scène, le jury militaire avait quitté la salle lorsqu'il est tombé à genoux sur le sol et s'est évanoui. Une ambulance l'a évacué vers une structure médicale de la base navale américaine de Guantanamo à Cuba. Quelques heures plus tard, un des responsables des avocats militaires de Guantanamo, Brian Broyles, a expliqué à la presse que le lieutenant-colonel Jackson était réveillé, mais sous morphine, car souffrant beaucoup. Il a confirmé que l'incident pouvait être lié à une opération chirurgicale de la vésicule biliaire qu'il a subie il y a six semaines. «Deux semaines après avoir été opéré, il était devant le tribunal, toute sa vie a été planifiée en fonction de ce procès, même son mariage», a expliqué M.Broyles. Il a précisé que l'avocat ne serait pas présent vendredi en salle d'audience. La règle des tribunaux militaires d'exception prévoit que chaque accusé ait au moins un avocat militaire. Jon Jackson est le dernier à être resté lorsque Omar Khadr a décidé de renvoyer tous ses avocats début juillet. «Omar Khadr a un avocat, c'est le lieutenant-colonel Jackson, c'est tout. Si le tribunal doit l'attendre, le tribunal doit l'attendre», a assuré M.Broyles, précisant ne pas savoir encore si le procès pourrait être suspendu jusqu'à lundi ou pour deux semaines et si l'avocat serait soigné sur place ou transporté aux Etats-Unis. La question de l'obligation pour les sept jurés militaires présents à Guantanamo de conserver les conditions de confidentialité obligatoires dans tout procès pendant plusieurs jours ou semaines, reste entière.