A partir de 1994, l'AIS, à l'état embryonnaire, commence à prendre forme. En 1995, c'est le groupe de l'Est (Mezrag, émir national) qui se charge du commandement. Benaïcha, homme fort du GIA de l'Ouest, se rallie à l'AIS. Le 22 juillet 1996, une nouvelle organisation, dénommée le Mouvement islamique pour la prédication et le djihad, annonce sa création datée du 21 juillet. Elle affirme réunir des dissidents du GIA, le Mouvement pour un état islamique et le Front islamique pour le djihad armé (ralliements qui se dénoueront plus tard, Ndlr). Le communiqué signé par Kertali, un chef du GIA de la région de Larbaâ, proclame sa défiance à l'égard du GIA. Aussitôt après, Abdellah Anas (Boudjemaâ Bounoua), exprime, dans un entretien publié par le quotidien El Hayat, son soutien à Kertali tout en affirmant que le GIA était «fini». L'AIS (Armée islamique du salut, branche armée résolument tournée vers les orientations du FIS), affirme la poursuite du djihad et sa disponibilité à négocier avec les autorités. Dans le communiqué édité le 17 septembre 1996, Mezrag invite tous les «‘‘moudjahidine''» à se mettre sous la bannière de la vérité et de la justice, celle de l'AIS». Il dénonce les GIA et réaffirme sa fidélité au FIS. Plusieurs affrontements sont rapportés entre l'Ais et le GIA dans diverses parties du pays, notamment au centre (plaine de la Mitidja), à Bouira et à Mascara. Le 15 février 1997, la Lidd de Ali Benhadjar annonce sa constitution officielle et son allégeance au FIS. 17 principes fondateurs sont énumérés dans le communiqué dont «le pouvoir à la nation», «la choura», «la garantie des libertés individuelles et collectives», «la paix dans les relations avec les non-musulmans». Dans un communiqué daté du 21 septembre 1997 et signé de son «émir national» Madani Mezrag, l'AIS appelle à l'arrêt des combats et décide d'un cessez-le-feu unilatéral, inconditionnel et indéfini. Madani ordonne à «tous les chefs de katibate sous son commandement d'arrêter les opérations de combat à partir du 1er octobre 1997». Il appelle, aussi, dans le même communiqué, tous les autres groupes armés «attachés aux intérêts de la religion et de la nation à se rallier à cet appel» afin de «dévoiler l'ennemi qui se cache derrière les abominables massacres». (Ce communiqué date juste de quelques jours avant les massacres de Bentalha et Raïs). La trêve de l'AIS a fait exceptionnellement la Une de la presse, aussi bien privée que publique, ce qui implique une autorisation des autorités à la publication des textes émanant de l'AIS entre 1997 et 2000. Le quotidien El Moudjahid, rigide et très étatique, voit dans cette trêve «un grand tournant», à condition d'être «suivie d'effet». Pendant une année encore, le GIA va redoubler de férocité avant de commencer une longue agonie. En avril 1999, le nouveau Président Abdelaziz Bouteflika donne une couverture politique et juridique à l'AIS, à laquelle se sont joints le groupe de Larbaâ (le MIPD), celui de Médéa (la Lidd) et divers petits groupes séparatistes du GIA. Le 13 janvier 2000, l'AIS s'autodissout, mais les ex-chefs armés expriment, périodiquement, leur désappointement. Pour eux, les accords n'ont pas été respectés et les repentis, dans le cadre de la concorde civile, sont livrés à eux-mêmes. Beaucoup d'entre eux sont emprisonnés pour...vol, n'ayant pu trouver un travail. L'autorité militaire dément avoir contracté un accord avec l'AIS, et Lamari affirme avoir dit à Fodil Chérif d'aller chercher les trévistes de «là-haut», sous peine d'être «écrasés», soulevant une surprise chez les ex-chefs armés de l'Ais. En septembre 2002, la situation sécuritaire connaît une grande embellie, mais les citoyens continuent toujours à mourir dans les hameaux isolés. Depuis le début de l'année, selon des décomptes de presse, 1057 personnes seraient mortes assassinées.