Pour cette journée symbolique du 5 Octobre, la ville ne dérogeait pas à son animation habituelle. Tizi Ouzou se réveillait lentement, en cette douce matinée d'automne, paralysée par la grève générale à laquelle a fait appel la Cadc. Pour cette journée symbolique du 5 octobre, la ville ne dérogeait néanmoins pas à son animation habituelle. Les trottoirs grouillaient de monde et les gens vaquaient normalement à leur occupation. Mais la tension était perceptible. Dans le profond pays kabyle, l'appel à la grève n'a pas emballé tout le monde. En effet, si la Haute Kabylie (Larbaâ Nath Irathen, Azazga, Bouzeguène...) et la Kabylie maritime (Azeffoun, Tigzirt et Iflissen) ont respecté à la lettre le mot d'ordre de la Cadc, le sud de la wilaya (Draâ Ben Khedda, Tadmaït, Draâ El-Mizan), et faute de représentativité au sein du mouvement citoyen, s'est, une nouvelle fois, illustré en «cassant» la grève. Quelques coordinations, qui avaient pu contourner les barrages de la police (Makouda et Aït Zekki) grossissaient les rangs des marcheurs. Toutefois, l'inquiétude se lisait sur les visages des autres délégués, puisque le gros des troupes était sommé de faire demi-tour. Stationné près du stade du 1er-Novembre qui surplombe le point de départ de la marche et en face du quartier «chaud» des Genêts, quelques CNS marquaient leur présence en tirant les premières bombes lacrymogènes. La levée de boucliers était annoncée. Et le quartier des Genêts, fidèle à sa réputation, replongeait dans l'émeute. D'autres foyers de tension sont également signalés au Bâtiment Bleu et à la Cité Cnep. Au même moment, une immense fumée noire provenant du Pont de Bougie captait toute l'attention. «Ce sont les premiers accrochages entre les CNS et les marcheurs refoulés», nous dit-on dans la foule. 11h30, le premier carré de la marche, constitué essentiellement de délégués, s'ébranlait. Arrivés au niveau du portail de l'université, les marcheurs seront arrosés de bombes lacrymogènes. Les manifestants répliquaient par des projectiles et des cocktails Molotov. 12h30, Belaïd Abrika fait son apparition et tente une prise de parole à la tour Genisider. Repéré par les policiers, Abrika ne dut son salut qu'à la fuite. Et c'est l'embrasement : le boulevard Krim-Belkacem, la Cité 600 Logements, la Tour et Bastos étaient assiégés par les CNS. La Nouvelle-Ville, jusque-là épargnée par les troubles, fonçait droit dans l'émeute, les bombes lacrymogènes fusaient de partout, les jeunes tentaient une riposte par les habituels procédés, des bouteilles, des pierres et même des tasses de café sont lancées en direction des compagnies antiémeute. La Nouvelle-Ville était isolée. Acculés par les policiers, arrivés en grand renfort, les émeutiers battaient désespérément en retraite. A partir de 15h00, l'intensité des émeutes commençait à baisser. Dans la foulée, beaucoup de coordinations ont regagné leur localité. Il ne restait plus que les jeunes des cités environnantes qui tenaient, vainement, tête aux CNS. 15h30, la Nouvelle-Ville retrouvait enfin le calme. La circulation reprenait normalement et la cité s'animait peu à peu, les trottoirs et les chaussées étaient jonchés de pierres, de tessons de bouteilles et de douilles de bombes lacrymogènes et de balles en caoutchouc. Dans tous les quartiers, on ne parlait que de cette énième journée de troubles que vient de vivre Tizi Ouzou. Çà et là, on signale une trentaine de blessés et une dizaine d'arrestations dans les rangs des manifestants.