Même si Roger Gonin, l'un des pères fondateurs dudit Festival, n'a pu faire le déplacement à Alger, faute de visa croit-on, la sélection de courts métrages en valait amplement le déplacement. De vrais bijoux que le public a eu à apprécier parfois avec le rire à gorge déployée. Au menu, deux films de fiction, deux d'animation et un expérimental des plus primés au monde. Le premier intitulé Comme le temps passe de Cathy Verney (25 min) est l'histoire d'une amitié qui vire au vinaigre. Deux couples, dont l'un vit à Paris et l'autre à la campagne, vont se retrouver confrontés à une situation cocasse. Décliné sur un rythme vif et enjoué, ce court métrage comme les quatre autres que le public a été amené à apprécier, tablent sur l'humanité comme fil conducteur et cette étrange bizarrerie de la vie qui nous rend soit décalés, en dehors du temps, presque marginaux ou dans l'air du temps. Baptiste, Parisien trentenaire, emmène sa femme Carole à la campagne chez un couple d'amis, Jean-Phi et Nathalie. Il ne les a pas vus depuis six ans. Le temps a passé et les souvenirs communs cachent difficilement des choix de vie divergents. Les amis se cherchent, se forcent, jouent, chantent, font semblant, jusqu'à un incident ravageur qui met un terme aux illusions des uns et des autres. Le second court métrage d'Olivier Broudeur, Anthony Quéré s'appelle Dounouia, qui veut dire «vie» en bambara et arabe. Ce film attachant de 20 mn porte sur les liens que peuvent tisser des adolescents entre eux dans les banlieues en France. Madibo, originaire de Bamako (Mali), s'amourache d'une beurette, Nadira. Peu loquace, il trouve refuge vraisemblablement dans la prière, puisqu'il est montré faire ses ablutions deux ou trois fois. Mais sa passion est la danse, chose que nous apprendrons bien plus tard. Une battle de danse le fait révéler aux autres jeunes gens et à sa dulcinée. Modibo sort de sa réserve, laissant sa timidité aux vestiaires. Un film tendre, frais et tolérant qui, pour une fois, traite des banlieues sur un plan strictement humain dénué de violence même si celle-ci est suggérée de façon sous-jacente. Cela aurait pu se passer partout et nulle part finalement. Mais ce qui rend davantage ce film intéressant est qu'il est parti d'une histoire vraie. Madibo existe vraiment, c'est un jeune du Mali lequel a voulu passer en France clandestinement. Les réalisateurs lui obtiennent un visa de séjour et le rôle! Un coup de générosité. Le film est basé aussi sur l'atmosphère, les expressions de visage et peu de paroles. Quand la fiction rejoint la réalité cela donne des personnages terriblement vrais. Le troisième film projeté est Fard de Luis Briceno, David Alapont (13 min 25). Un film tourné en 2D et 3 D, dans un style de science-fiction, nous plonge d'emblée dans un décor futuriste teinté en sépia... Oscar, employé de bureau reçoit un jour un colis dans lequel il découvre une torche électrique. Et la lumière fut! éblouissante, qui éclabousse son visage. Une sorte de métaphore d'une vérité accablante mais qui tue... C'est le drame. Coloré grâce à cette lumière revigorante, le visage en deux D d'Oscar prend brusquement forme humaine. Mais ce dernier a vite fait de passer sur le billard où l'on se presse à lui effacer ces traces, afin que la vie reprenne son long fleuve tranquille. Très beau court métrage qui se révèle à nous et notre libre arbitre animé par ce choix de couleurs. Un film qui nous laisse songeur par la magie de ces «pantins» animés. Ce joli court métrage n'est pas sans rappeler quelques oeuvres cinématographiques comme le Meilleur des mondes ou Métropolis. Logorama de H5, François Alaux, Hervé de Crecy, Ludovic Houplain est le court métrage qui a reçu l'oscar cette année! Là on mesure la chance de l'avoir vu! En 13 mn, ce film décrit une course-poursuite dans les rues de la ville californienne, mettant en scène des personnages publicitaires où les mascottes de marques les plus connues, alors que l'ensemble des bâtiments de la ville sont transformés en panneaux publicitaires géants. Des clins d'oeil au mythe du film américain sont aussi convoqués, notamment le film policier, le film fantastique ou dit de style catastrophe ou encore de science-fiction. D'ailleurs, Logorama s'achève dans un cataclysme réduisant à néant Malibu, dans un terrible tremblement de terre. Ce film a nécessité 6 ans de production et présente quelque 2500 logos. Ronald McDonald est un tueur psychopathe, et la goutte d'huile Esso est une serveuse de bar aguichante, tandis que Michelin est un flic. Un film très drôle malgré une fin tragique... Tout aussi phénoménal est le court métrage Pigeon: Impossible de Lucas Martell. Ce film ayant nécessité 5 ans de travail, met en scène une sorte de James Bond mis à mal par un pigeon intelligent qui s'en prend à lui en s'emparant de sa mallette magique. Comique et surtout bien fait est ce court métrage de 6 min 20. Enfin, dernier film projeté lors de cette soirée au Centre culturel français d'Alger, mercredi dernier est Plastic and Glass de Tessa Joosse. En neuf minutes, nous est contée la vie mécanique de ces employés dans une usine de déchets recyclables. Un film écolo? Sans doute, surtout lorsque le film oppose au son mécanique des machines, le calme apaisant de la nature au dernier plan. La vie sous toutes ses coutures, entre présent et futur, ces films ont tous un point commun: leurs prouesses techniques et leur fond parfois dérangeant qui fait mouche.