L'aboutissement de sept mois d'efforts acharnés a été largement récompensé sur scène par des salves d'applaudissements nourris lors de la générale, samedi soir. Nya a enfin dévoilé aux spectateurs le long travail effectué par nos danseurs algériens et rendu palpable ce projet de Pont culturel méditerranéen, franco-algérien. Le spectacle préparé par le chorégraphe Sofiane Abou Legraâ, aidé par sa femme, son assistante et néanmoins enseignante de danse, a porté ses fruits. Devant une salle pleine et se produisant devant la ministre de la Culture Khalida Toumi, Sofiane Abou Legraâ, le concepteur du projet, n'a pu cacher en préambule, son émotion en déclarant dans son discours de bienvenue toute sa joie de se produire dans son pays d'origine l'Algérie, nonobstant le fait qu'il vit et travaille à Paris, faisant remarquer que son grand bonheur est de toucher le sol de ses parents, présents dans la salle. «C'est cela la consécration pour moi parce que j'aime l'Algérie et les Algériens. C'est mon plus beau rêve qui vient de se réaliser», mais avant le spectacle, place d'abord à un film de 8 mn signé Laurent Aït Benalla, intitulé tout simplement Le Pont. Ce film s'évertue ainsi à nous compter cette merveilleuse aventure chorégraphique depuis les auditons, aux séances de répétions à l'école de danse de Bordj El Kiffan, à la salle Frantz-Fanon de Riad El Feth, et au Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi avant de fouler ses tréteaux en tant que danseur à part entière devant des centaines de gens. Et puis, place au show! La première partie, d'une durée de 23 minutes, laissera entendre au tout début des klaxons et autres bruits de la rue. Est-ce un clin d'oeil à la parade du 4 juillet ayant ouvert le Festival culturel panafricain d'où est partie l'idée de ce spectacle comme continuité d'une passion approuvée ou plutôt le vacarme de la ville d' Alger mouvementée mais heureuse, bouillante de vie? Du son pour devancer le pas sur le mouvement du corps, plutôt l'accompagner dans ses errances, lui donner du tonus, du réconfort, le charger d'émotion, le soutenir entre agencement de bras vers la lumière et saut du corps à son réveil. Puis, la musique de Maurice Ravel entre en jeu. Elle est d'abord succincte. Le mouvement des corps est désarticulé. On entend le son de la percussion. Et c'est tout le monde qui apparaît sur scène. Ils sont dix danseurs. Ils exécutent des gestes amples qui se démarquent par des mouvements aériens. Les mains dessinent des courbes. Après le film Les Uns et les autres (1980) de Claude Lelouche, Béjart et le ballet du Bolchoi, et tant d'autres adaptations scéniques, le Boléro de Ravel inspire cette fois notre chorégraphe Sofiane Abou Legraâ qui impute à cette musique au rythme à trois temps, un nouveau souffle, une dynamique et une nouvelle vision chorégraphique. Du break danse sur du Ravel, il fallait oser! Notons que la scène est sciemment vide. Epurée. Le mur est blanc, dessiné d'ombre divisée en quatre morceaux. L'espace peut paraître froid. Certins spectateurs sont resté placides devant Nya. D'autres l'ont fortement applaudi. Un danseur est tapi sur le sol, recroquevillé sur lui -même, se lève, se tortille, deux autres arrivent, le boléro continue sa marche harmonique. Les dix danseurs n'ont cessé de se tortiller et de danser allègrement sur cette musique devenue mythique. Et puis, un d'entre eux enlève son tee-shirt. Le public applaudit. La lumière nous apparait plus ample. La scène est plus éclairée. C'est la fin de la première partie. Une pause de six minutes et c'est la seconde pièce qui arrive sous l'accompagnement musical des chants des Aurès de Houria Aïchi. Sur le mur est accroché une sorte de tapis, avec des motifs de couleur bleue. Les garçons sont en pantalon classique noir et boléro noir sur bleu. Trois danseurs font des figures les uns après les autres. Leur gestes sont vraisemblablement plus affinés, plus apaisés. La musique de Houria Aïchi quasi mystique, donne de l'épaisseur et de la profondeur à cette chorégraphie. Aussi, nous distinguons quelques mouvements acrobatiques hautement esthétiques tels dictés dans le patinage artistique. De l'eau surgit du sol. Quatre danseurs enlèvent leur boléro et dansent, sous l'eau. Sensualité et spiritualité combinée. L'eau, la pureté, représente, croit-on, l'ablution. La musique se fait forte. Elle est entremêlée de percussion orientale et de cordes lascives. La belle voix de Houria Aïchi chante également l'exil. On ne part jamais très loin, dit-on. Quand le coeur est là, l'appel des racines vous dénude de tout ressentiment ou haine. Seul l'amour, à tous les niveaux, parvient à accroître notre foi et notre espérance! Aussi, seule la danse est reine et maitre des lieux. Le public exulte et transmet généreusement ses encouragements et ses bravos à la compagnie Baraka. Une cellule de danse contemporaine au Ballet national algérien vient de naitre sous nos yeux. Elle est approuvée par la grande danseuse Messaouda Idmai qui offre aux concepteurs du spectacle un bouquet de fleurs. Elle est relayée par la ministre de la Culture, aux anges. Cette dernière témoignera en aparté à la presse toute son admiration pour ce travail accompli et déployé pour rendre possible cette création. Elle fera remarquer que ce «Pont culturel méditerranéen» entre la France et l'Algérie n'est que le premier jalon d'un programme amené à être renforcé systématiquement. Elle exhortera aussi les filles à se rapprocher du ballet pour qu'il y ait également des filles dans cette compagnie de danse contemporaine. «J'ai proposé à Sofiane Abou Legraâ d'aller voir du côté des clubs de basket en vue de dénicher des futurs danseurs» a-t-elle confié. Après samedi, Nya devait se produire hier et ce soir au TNA.