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Colonisation contre paix
LA CROISEE DES CHEMINS ENTRE LA PALESTINE ET ISRAËL
Publié dans L'Expression le 30 - 09 - 2010

«Celui qui décide de continuer à construire des colonies et leur fournit aide et protection est celui qui décide de stopper les négociations. Mais nous sommes toujours déterminés à voir la réussite de négociations sérieuses et sincères.»
Mahmoud Abbas
«La mission du sionisme est de construire sur la terre d'Israël et nous allons reprendre cette mission dès ce soir.»
Dan Dayan, dirigeant de Yesha, organisation des colons de Cisjordanie.
Voilà en quelques phrases le point d'orgue d'un mois de négociations avec deux visions de l'avenir de la Palestine originelle aux antipodes l'une de l'autre Comme on pouvait s'y attendre, le miracle n'a pas eu lieu. Faisant dans une logique à flux tendu, l'Etat d'Israël poursuit son chemin, faisant fi des dernières promesses du 2 septembre, où l'illusion des salamalecs avait fini par avoir raison des plus sceptiques. Enfin, le calvaire presque centenaire du peuple palestinien allait connaitre son épilogue; c'était sans compter sur la détermination des dirigeants israéliens et sur les velléités de Mahmoud Abbas qui a brûlé ses vaisseaux, se coupant de sa base croyant miser sur le bon cheval en acceptant pour la énième fois de négocier en vain. La «seule exigence» qui est, en fait, une évidence, est de supplier pour qu'on laisse aux Palestiniens 22% de la Palestine originelle! Peine perdue, 300.000 colons sont installés en Cisjordanie et vont bientôt être rejoints par des milliers d'autres. Cela malgré les recommandations et «pressions amicales» des pays occidentaux sur Israël. Benyamin Netanyahu persiste et signe. Avec la fin du moratoire, c'est la colonisation qui reprend de plus belle à une cadence que l'on imagine plus importante pour rattraper le temps perdu...
En fait, dès le départ, Israël avait annoncé son intention de ne pas reconduire le moratoire. Pourtant, et comme rapporté dans le Monde: «D'après un haut responsable du gouvernement israélien qui s'est exprimé vendredi 24 septembre sous couvert de l'anonymat, Israël semble prêt à faire une concession sur les implantations de Cisjordanie. Tel-Aviv «est disposé à parvenir à un compromis agréé par toutes les parties sur la prolongation du gel de la construction, a-t-il déclaré, étant entendu que ce gel ne pourra pas être total.»
Les trois formules
Des entretiens tripartites se sont tenus mercredi entre le négociateur palestinien Saeb Erekat, son homologue israélien Yitzhak Molcho et l'envoyé spécial américain pour le Proche-Orient, George Mitchell. Trois formules ont été envisagées lors de ces discussions, d'après le quotidien Haaretz:
- La première, proposée par les Palestiniens, vise à étendre de trois mois le moratoire;
- La deuxième, israélienne, ne prévoit aucune extension du moratoire, mais au contraire une reprise de la construction dans les «blocs» de colonies, dans la limite de la «croissance naturelle» (démographique) des colons;
- La troisième formule, suggérée par les Egyptiens, consiste en un gel «silencieux» de la colonisation (c'est-à-dire sans annonce publique) pendant plusieurs mois.
D'après un rapport de l'ONG publié en août, «les colons pourront en théorie construire environ 13.000 logements sans la moindre approbation supplémentaire du gouvernement» dès octobre. En effet, «des permis de construire ont été octroyés pour au moins 2066 logements dont les fondations sont déjà prêtes, et des centaines d'autres dont les fondations n'ont pas encore été construites pourront être érigés dès la fin du gel».
Par ailleurs, «au moins 11.000 autres logements dont la construction a été entérinée pourront être bâtis sans autre approbation gouvernementale, dont 5000 dans des implantations isolées».(1)
Juste avant l'annonce de la fin du moratoire, Liberman prend les devants et impute l'échec des négociations aux Palestiniens. «Aujourd'hui, (les Palestiniens) exercent une pression pour maintenir le moratoire qu'ils avaient auparavant rejeté. Les Palestiniens ont «perdu du temps» pendant les dix mois qu'a duré le moratoire sur la colonisation. Durant le moratoire, «les Palestiniens ont perdu du temps, ont complètement refusé d'accepter ce geste et ont accusé Israël de malhonnêteté». «Dans tous les cas, nous devons continuer les discussions directes sans condition préalable. C'était notre position depuis le jour où nous avons formé ce gouvernement, c'est notre position aujourd'hui et nous ne sommes pas prêts à quelque condition préalable que ce soit», a-t-il déclaré.(2)
Immédiatement après l'expiration du moratoire, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a appelé le président palestinien à poursuivre les négociations. «Je lance un appel au président Abbas pour qu'il continue à mener les pourparlers bons et honnêtes que nous venons de lancer pour tenter de parvenir à un accord de paix historique entre nos deux peuples», a affirmé Benjamin Netanyahu dans un communiqué publié peu après minuit local. Dans le cadre de contacts diplomatiques «intensifs», Benjamin Netanyahu s'est entretenu ces dernières heures avec la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, des membres de l'Adminitration américaine, le président égyptien Hosni Moubarak et le roi Abdallah II de Jordanie, selon le communiqué.
Fidèle à sa technique «non violente» mais qui cache en réalité une impuissance, le président palestinien, Mahmoud Abbas, veut qu'Israël observe une pause dans la colonisation. «Nous demandons le moratoire tant qu'il y aura des négociations parce que, tant qu'il y a des négociations, il y a de l'espoir», a-t-il affirmé sur Europe 1. Les Palestiniens, nous dit-on, réservent leur réponse sur l'avenir des pourparlers de paix jusqu'à une réunion de la Ligue arabe programmée le 4 octobre. «Nous ne voulons pas arrêter ces négociations mais, si la colonisation se poursuit, nous serons obligés de les arrêter»
Comble d'humiliation pour les Arabes: l'Aiea rejette une résolution des pays arabes: institutions internationales ou attrape-nigauds? Pourtant, la résolution était «non contraignante», symbolique, appelant Israël, considéré comme la seule puissance nucléaire au Proche-Orient, à signer le TNP. «L'ambassadeur israélien, E. Azoulay, confirme sous forme de chantage que l'adoption d'une telle résolution ´´est apte à porter un coup fatal à tout espoir d'efforts de coopération à venir en vue d'une amélioration de la paix régionale au Proche-Orient´´ en se permettant même d'accuser l'Iran et la Syrie, contrairement à Israël, de représenter ´´la plus grande menace pour la paix et la sécurité au Proche-Orient et au-delà».(3)
D'où vient ce sentiment de puissance d'Israël et du mépris de la légalité internationale? On sait qu'aux Etats-Unis, les lobbys tels que l'Aipac, font et défont les gouvernements, mais l'Europe semble absente du débat, elle est tenue à l'écart. Pourtant depuis dix ans il n'y a pas eu de percée, d'une part, parce que les Européens sont incapables de définir une politique commune, d'autre part parce que ces pays européens sont tétanisés à des degrés divers et n'osent pas se mettre à dos pour de multiples raisons notamment les lobbys et la dette d'Auschwitz
Pour Daniel Vanhove, il ne faut rien attendre de ces négociations, il en explique les causes profondes: «Quels que soient les effets d'annonce, la plupart du temps surmédiatisés, le conflit israélo-palestinien ne pourra jamais être résolu sur les bases actuelles pour plusieurs raisons, dont l'une me paraît majeure.(...) Cette raison en est que toutes les approches qui l'abordent pour y trouver une éventuelle solution en oublient un élément essentiel: l'injustice originelle. L'injustice fondamentale qui a prévalu à l'établissement du jeune Etat israélien en terres arabes, au lendemain de la guerre essentiellement européenne de 1945. Gommer, ne pas prendre en compte ou sous-estimer la mauvaise conscience européenne - toujours d'actualité, même si au fil du temps, elle s'amenuise auprès des nouvelles générations - dans l'abord de ce conflit, biaise toute analyse sérieuse du problème. Il faut rappeler qu'il y a eu un consensus entre les pays qui avaient gagné cette terrible guerre - environ 65 millions (!) de victimes civiles et militaires - pour accorder au projet sioniste, une terre où pourrait se réfugier la communauté juive, tellement pourchassée et exterminée en Europe si chrétienne de l'époque.. (...). Leur demander plus de sévérité à l'égard de la politique israélienne leur est un exercice périlleux, non exempt de remontées douloureuses d'un passé encore récent, et rapidement requalifié d'antisémitisme par certains, trop contents de pouvoir jouer-là leur joker préféré...»(4)
«L'Histoire n'a de sens que celle que les Hommes lui donnent. Et à distance de ces évènements datant de plus de 60 ans, comment comprendre cette partition de la Palestine, sans se rappeler au préalable qu'elle s'est faite sur le dos des premiers concernés, les Palestiniens, absents de cet odieux marchandage? Ainsi, s'entêter dans des pourparlers de paix entre deux gouvernements dont l'un sait pertinemment qu'il a volé l'autre, et dont l'autre sait la spoliation dont il fait toujours l'objet, est tout simplement impossible à réaliser. (...)De la même manière, tous les acteurs de la question qui aimeraient voir aboutir la paix en cet endroit du monde, se trompent dans leur démarche s'ils intègrent à la base cette injustice comme étant irréversible. Parler de paix - quel que soit le qualificatif que l'on tente de lui donner pour mieux faire passer la pilule aux responsables israéliens dont on ne connaît que trop bien les objectifs funestes - sans remettre en cause la partition de départ est se faire, consciemment ou non, complice de cette injustice première. Il convient donc de regarder cet évènement de l'époque, sans se sentir obligé de l'intégrer comme nombre de nos prédécesseurs semblent l'avoir fait avec d'autant plus de facilité que cela leur donnait l'impression de se dédouaner ainsi de leurs méfaits à l'égard des juifs.»(4)
«(...) Par ailleurs, nonobstant une décision israélienne purement «formelle» de prolonger le moratoire au sujet de la colonisation, au nom de la sauvegarde de pourparlers actuels directs avec M.Abbas, il conviendrait, pour être honnête, de ne pas se voiler le visage et de voir bien en face que dans les faits, la colonisation n'a jamais cessé. Il faut dire et redire, que c'est encore et toujours une histoire de dupes. Comme toutes celles que tente de nous faire avaler le gouvernement sioniste, alimentées et retransmises en cela par nos médias complices».
Israël est incontrôlable
Continuant son plaidoyer, il nous explique pourquoi Israël fait ce qu'il fait et, ce qu'il faut faire pour lui faire entendre raison. «En d'autres mots, au-delà du fait de dénoncer cette énième supercherie des autorités de Tel-Aviv, il faut bien constater une chose, grave d'entre toutes: le bébé occidental porté sur les fonds baptismaux après la seconde Guerre mondiale dans le but d'expiation des crimes commis à l'encontre de la communauté juive d'Europe a mal grandi, et il présente aujourd'hui tous les signes de crises d'une adolescence qui tourne mal et que ses parents ne parviennent plus à contrôler.(...): Israël aujourd'hui, échappe à tout contrôle! Nul ne parvient plus à lui faire entendre raison, même l'Oncle Sam. Et il y a donc le risque que seule la méthode forte le ramène dans les normes acceptables, à savoir celles du Droit identique pour tous. (...) Si l'on exclut tout recours à la violence à l'encontre d'Israël, après nous avoir martelé depuis plusieurs années que le marché fait loi, la seule méthode qui soit, est la privation de ses moyens financiers. (...) La campagne de Boycott, Sanctions et Désinvestissements (BDS) est donc plus que jamais d'actualité, et devrait franchir un échelon supplémentaire par la suppression immédiate de toute aide financière à l'entité coloniale qui ne respecte rien d'autre que ses propres objectifs. (...) Mais encore une fois, pour en arriver à une véritable solution, au lieu d'intégrer «d'emblée» les paramètres actuels, il nous faut reconnaître en priorité, l'injustice flagrante du départ, commise à l'encontre du peuple palestinien. Tant que nous n'aurons pas pu reconnaître cette faute-là, toute tentative vers un quelconque accord sera illusoire et d'office promise à un nouvel échec.»(4)
On imagine l'affolement dans le camp occidental; des négociations marathon, des promesses multiformes à Israël, des navettes de l'émissaire par dizaines, ne sont pas venues à bout de l'entêtement israélien enivré par sa puissance. On nous informe que l'émissaire américain George Mitchell entamait mardi 28 septembre une mission d'urgence au Proche-Orient, destinée à sauver le processus de paix israélo-palestinien, qui menace de s'effondrer après la non-prolongation du moratoire sur la colonisation juive en Cisjordanie. Aux Etats-Unis, le porte-parole du département d'Etat, P.J.Crowley, a salué la décision de Mahmoud Abbas de ne pas quitter les négociations pour l'instant, et réprimandé Israël pour la reprise de la colonisation. «Nous sommes déçus, mais nous restons concentrés sur notre objectif à long terme et nous discuterons avec les parties des implications de la décision israélienne», a-t-il expliqué lundi. M.Crowley a précisé que «l'émissaire américain pour le Proche-Orient, George Mitchell, examinerait avec les deux camps ce qu'il est possible de faire désormais».(5)
Rien n'est plus limpide, le fait accompli israélien est accepté et l'émissaire demandera aux Palestiniens de négocier sur ce qui reste de la Cisjordanie; des colons qui s'acharnent à construire leurs habitations ne seront plus délogés! Sombres jours pour les Palestiniens....
(*) Ecole nationale polytechnique
1.Colonisation israélienne: le moratoire de la discorde LeMonde.fr Mis à jour le 27.09.10
2.Les Palestiniens «ont perdu du temps» pendant le moratoire Le Monde.fr 27.09.10
3.Djerrad Amar: L'AIE...Alterinfo 28 Septembre 2010
4.Daniel Vanhove Mondialisation.cahttp://www.mondialisation.ca/index.php?context=v a& aid =21225
5.George Mitchell dépêché au Proche-Orient pour sauver le processus de paix. AP 28/09/2010


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