Le rôle de spectateur au Proche-Orient auquel reste cantonnée l'UE au moment où les pourparlers de paix entrent dans une phase critique suscite de la frustration en Europe, alors que ses nouvelles institutions étaient censées l'aider à ne plus être un nain politique. Cette frustration, le président français Nicolas Sarkozy l'a encore exprimée sans ambages en recevant cette semaine le président palestinien Mahmoud Abbas: «Nous ne voulons pas seulement être des spectateurs qui voient le temps passer». Revendiquant désormais une place pour l'Europe, mais aussi pour l'Union pour la Méditerranée (UPM) qu'il co-préside avec le président égyptien Hosni Moubarak, M.Sarkozy a annoncé dans la foulée qu'il recevrait en octobre à Paris Mahmoud Abbas, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et M.Moubarak. Paris espère ainsi préparer le sommet de l'UPM, prévu fin novembre, et apporter une contribution aux pourparlers actuellement menacés d'impasse avec le refus israélien de prolonger le moratoire sur la construction de nouvelles colonies en Cisjordanie. Absente jusqu'ici des négociations directes de paix entre Israël et les Palestiniens, qui ont repris début septembre sous la direction des Etats-Unis, l'UE a pourtant de quoi peser dans la balance: elle est le principal bailleur de fonds des Palestiniens, en même temps que le premier partenaire commercial d'Israël qui absorbe la majorité des exportations israéliennes. Mais pour Rosa Balfour, analyste à l'European Policy Center, «si l'UE ne joue pas un rôle central au Proche-Orient c'est parce que ses membres sont trop divisés quand il s'agit de faire des choix concrets», notamment pour des raisons historiques. La Britannique Catherine Ashton, bombardée depuis décembre dernier à la tête de la diplomatie de la «nouvelle UE» du traité de Lisbonne censé faire parler l'Europe d'une seule voix, en a fait les frais, estime Mme Balfour. «A sa nomination elle a présenté le Proche-Orient comme sa priorité. Mais elle a probablement réalisé depuis que les résistances des Etats membres de l'UE sont assez fortes», ajoute Mme Balfour. Et la Haute Représentante doit ainsi se contenter de «publier des communiqués empreints de bonnes intentions, réduits au plus petit dénominateur commun». Invitée en septembre à participer au lancement des pourparlers israélo-palestiniens à Washington, Mme Ashton a décliné, préférant se rendre à Pékin, ce qui lui a valu des critiques notamment du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Même si formellement, l'UE est représentée au sein du Quartette pour le Proche-Orient. La semaine dernière à New York, M.Kouchner et son homologue espagnol Miguel Angel Moratinos ont aussi critiqué le manque de reconnaissance de la part des Etats-Unis du rôle de l'Europe au Proche-Orient. Pour M.Moratinos, «il y a encore un manque de compréhension aux Etats-Unis sur ce qu'est l'Europe». L'initiative française permettra-t-elle de redonner à l'Europe la place qu'elle cherche au Proche Orient?