La contestation de la réforme des retraites se durcissait en France hier avec des niveaux de manifestation record et l'entrée des lycéens dans un mouvement qui pourrait se prolonger par des grèves reconductibles alors que le gouvernement exclut toute nouvelle concession. C'est «la plus forte journée qu'on ait faite depuis le début» de la protestation contre le report de l'âge minimal de la retraite de 60 à 62 ans, a affirmé le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault. Les manifestations «sont sensiblement plus importantes que les dernières fois», a renchéri François Chérèque, le patron de l'autre grand syndicat, la Cfdt. Selon le ministère de l'Intérieur, «environ 500.000 personnes» ont manifesté à la mi-journée contre 410.000 le 23 septembre. En province, les chiffres ont atteint des niveaux record comme à Toulouse (sud-ouest) où 14.5000 personnes ont manifesté selon les syndicats et 30.000 selon la police. La manifestation à Paris a commencé en début d'après-midi. Les trois journées de protestation organisées depuis début septembre avaient rassemblé au maximum entre 1,1 million de personnes (police) et 3 millions (syndicats). Pour la première fois hier, des lycéens se sont joints aux cortèges, ce qui a poussé le Premier ministre François Fillon à accuser l'opposition de gauche d'être «irresponsable» en mettant «des jeunes de 15 ans dans la rue». Parallèlement, la grève était forte hier dans deux secteurs stratégiques: les chemins de fer et l'énergie. La Société nationale des chemins de fer (SNCF) dénombrait 40% de grévistes (54% selon les syndicats) et seulement un train à grande vitesse sur trois circulait entre Paris et la province. Côté transports aériens, environ 30% des vols étaient annulés à l'aéroport parisien de Roissy et 50% à celui d'Orly. Onze des douze raffineries françaises étaient en grève, sans entraîner pour le moment de problèmes d'approvisionnement en carburant. Cette journée pourrait marquer un tournant dans le bras de fer entre le pouvoir et les syndicats car la poursuite des grèves est à l'ordre du jour bien que les directions des centrales soient réservées. Les grévistes des transports parisiens ont déjà voté la reconduction pour aujourd'hui et d'autres assemblées générales devaient se tenir dans les entreprises en grève aujourd'hui, comme à la Sncf. Ces grèves reconductibles pourraient durer jusqu'à la nouvelle journée de manifestations prévue samedi, sachant que deux tiers des Français sont favorables à un durcissement des actions selon un sondage. «On est un des rares pays où il peut y avoir quatre manifestations avec deux ou trois millions de personnes dans les rues sans que le gouvernement ne dise rien», a commenté M.Chérèque. Le Premier ministre a répété hier que le gouvernement était «au bout de ce qui est possible» en termes de concessions. S'il a consenti des aménagements en faveur de certaines mères de famille, pour les carrières longues ou des emplois pénibles, le gouvernement reste inflexible sur le fond de la réforme, dont Nicolas Sarkozy a fait un chantier phare de la fin de son mandat.