De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur à partir d'aujourd'hui, et au moins jusqu'à samedi prochain s'engage une phase de lutte frontale et dure entre le gouvernement et les organisations syndicales. L'enjeu : la réforme des retraites. Pour le pouvoir, il s'agit, coûte que coûte, de faire adopter son projet de loi dont les points fondamentaux sont le passage du départ à la retraite de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans pour ceux qui n'ont pas suffisamment cotisé afin de bénéficier d'une pension à taux plein. Le projet adopté par les députés, en voie de l'être par les sénateurs, l'affaire devrait être bouclée le 23 octobre avec le passage en deuxième lecture du projet de loi par l'Assemblée nationale. Les syndicats ne l'entendent pas ainsi. Après deux grandes journées de grève et de manifestations qui ont réuni deux fois de suite environ 3 millions de personnes, ils estiment que le gouvernement est demeuré «autiste» à leurs revendications. Même s'il a fait des concessions, comme le droit des femmes ayant eu trois enfants de partir à la retraite à 65 ans ou la prise en compte partielle de la pénibilité de certains emplois, sa réforme est jugée injuste, y compris dans son financement. Loin de céder à un fatalisme, toutes les organisations syndicales ont appelé pour aujourd'hui à une journée de grève et de manifestations qui seront suivies d'une seconde salve de manifestations samedi prochain. Mais ce qui alourdit le plus le climat social est que des fédérations syndicales, après consultation de la base, ont lancé des mots d'ordre de grève reconductibles de 24 heures en 24 heures. Les secteurs des transports (ferroviaire, aérien, portuaire et urbain), l'enseignement, la fonction publique et l'énergie (déjà que la France risque de manquer de carburant avec la grève des raffineries et des ports de Marseille qui dure depuis 15 jours) sont concernés. Même les étudiants après l'appel de leur principal syndicat, l'UNEF, s'impliquent dans la lutte. Dans cette épreuve de force syndicats-gouvernement, l'enjeu est donc de taille. Pour le président Sarkozy, qui veut faire des retraites la mère des réformes de son mandat présidentiel, il n'est pas question de céder aux exigences syndicales. D'autant que sa situation est délicate : 71% des Français soutiennent le mouvement syndical et seulement 24 ou 30% (selon les sondages) lui font confiance. Entre un président impopulaire, mais fort de sa majorité parlementaire, et un mouvement social soutenu par l'opinion publique, c'est le bras de fer dont l'issue est incertaine. Le niveau et la durée des grèves reconductibles et le degré d'implication de la jeunesse dans cette lutte sociale seront déterminants. Si finalement le pouvoir arrive à faire adopter son projet de loi sans recherche d'un compromis avec les syndicats, il court le risque de payer sa victoire à court terme par des conséquences négatives lors de l'élection présidentielle de 2012 qui est dans la ligne de mire de Sarkozy. Car il est évident que les millions de salariés humiliés se souviendront qu'ils ont un bulletin de vote. Mais nous n'en sommes pas là pour l'instant. La bataille sociale ne fait qu'entrer dans sa phase aiguë.