La campagne officielle s'ouvre demain pour la présidentielle prévue le 31 octobre en Côte d'Ivoire, un scrutin historique après une décennie de crise, mais dont la tenue reste suspendue à d'importants préparatifs. Jamais, depuis l'élection pour cinq ans du président Laurent Gbagbo en 2000, la Côte d'Ivoire n'avait paru si près d'organiser un tel rendez-vous. Surtout, jamais cette ex-colonie française n'a eu droit en 50 ans d'indépendance à un scrutin considéré comme aussi ouvert et équitable. Pour la première fois, les Ivoiriens départageront les trois hommes qui dominent la vie politique depuis la mort en 1993 du «père de la Nation» Félix Houphouët-Boigny: l'ex-président Henri Konan Bédié et l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara, «héritiers» rivaux puis alliés, et Laurent Gbagbo, opposant devenu chef de l'Etat. Historique, l'élection l'est aussi parce qu'elle doit enterrer une décennie de crise, ouverte par le coup d'Etat contre M.Bédié en 1999 et amplifiée par le putsch manqué de 2002, qui a divisé le pays entre un sud loyaliste et un nord tenu par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN). Dès demain, à l'ouverture de la campagne, les équipes des trois «grands» et des 11 autres candidats pourront tapisser d'affiches Abidjan et l'intérieur du pays. Après de longs mois de pré-campagne, les prétendants jetteront pendant deux semaines leurs dernières forces. Pourtant, à J-18, une incertitude plane toujours sur l'élection. Si un proche du chef des FN Guillaume Soro, Premier ministre depuis l'accord de paix de 2007, assure qu'il n'y a «pas de craintes à avoir» pour le respect de l'échéance, en privé un autre conseiller se surprend à lâcher, au détour d'une phrase: «Si la date du 31 est maintenue...» «On ne devrait pas savoir avant le lundi 25 si tout sera prêt», tranche un diplomate. Enième péripétie d'un processus électoral au long cours, des «cafouillages», selon l'expression de la presse ivoirienne, perturbent la distribution de plus de 5,7 millions de cartes d'identité et d'électeur. Lancée la semaine dernière dans la capitale économique, l'opération monte péniblement en puissance, marquée par des problèmes d'organisation et de collaboration parfois délicate entre les diverses structures. A Abidjan et dans le fief des FN à Bouaké (centre), premiers servis, les inscrits se sont pressés dans les centres pour récupérer leurs «pièces». Un tournant: les documents n'avaient pas été émis depuis des années dans ce pays de forte et ancienne immigration, déchiré depuis les années 1990 par la querelle de «l'ivoirité» et les tensions intercommunautaires. Pour des observateurs, les problèmes actuels pourraient conduire à un décalage d'une ou deux semaines, même si un nouveau report n'est officiellement pas à l'ordre du jour. La livraison, dans les derniers jours, des urnes et bulletins dans quelque 20.000 bureaux de vote sera aussi une tâche ardue. Et l'épineuse sécurisation du scrutin, théoriquement confiée à un état-major loyaliste/FN aux moyens limités, soulève encore des questions, même si l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) et la force française Licorne apporteront leur appui. Une fois ces obstacles surmontés, et si la campagne garde le ton plutôt mesuré de la pré-campagne, le plus dur, de l'avis quasi-général, sera à venir: le vote et surtout l'annonce des résultats, alors que chacun des trois favoris se voit déjà vainqueur. «ça risque d'être tendu», souligne un responsable d'opposition.