L'enfant de Taourirt Mimoun, a produit une oeuvre qui, treize ans après sa mort, reste à faire découvrir. Bien qu'ayant fait l'objet de maints écrits et témoignages, Mouloud Mammeri garde toute son aura de mystère, alors que son parcours intellectuel et littéraire reste, paradoxalement, encore à faire connaître dans une production culturelle algérienne qu'il marqua par une oeuvre attachante, encore que restreinte. De fait, homme réservé, d'où cette incertitude gravitant autour de lui, Mammeri a occupé une position quelque peu singulière, à tout le moins inconfortable, pour ne pas dire en marge, dans la création artistique et littéraire nationale marquée - dans les années 70-80 - par l'interdit et l'injonction. En vérité, Mouloud Mammeri, personnage secret et écrivain rare - à l'instar de Kateb Yacine, qui était cependant plus expansif et plus ouvert -, eut des rapports indécis, tant avec le pouvoir qu'avec la critique qui, autant ne le comprit pas toujours, autant n'excusa pas ce qui lui apparaissait être une attitude hautaine. En fait, Da L'Mulud était la simplicité même. Ecrivain peu prolixe certes, mais essayiste de talent et chercheur passionné, Mammeri demeure cet anthropologue, ce défricheur de signes, qui tenta, sa vie durant, de restituer une dimension rationnelle à la culture amazighe tout en la rétablissant dans l'espace culturel national. Succédant au grand anthropologue Gabriel Camps, -décédé récemment, qui voua sa vie à la connaissance du passé de l'Algérie-, à la direction du Crape (Centre de recherches anthropologiques, pré-historiques et ethnologiques) qu'il dirigea de 1967 à 1979, il se passionna pour les civilisations anciennes et pour l'histoire de la société humaine. Au fait, d'aucuns le soupçonnaient de cacher son jeu. S'il en était ainsi, quel jeu, et pour quel objectif? En réalité, demeuré profondément attaché à son Djurdjura natal, à ses racines, Mammeri, sorti de son élément naturel, ses montagnes abruptes balayées par les rudes vents marins et où perchait son village d'origine, se retrouve comme une âme en peine orpheline de sa source.