Les observateurs estiment que les propos du diplomate français sont de nature à décrisper les relations en ce sens qu'ils expriment la position de l'Elysée. L'ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, a souligné mardi en fin d'après-midi à Jijel, où il était en visite de travail, «l'importance de la voix de l'Algérie sur la scène internationale» insistant sur le fait que l'Algérie est «leader» dans la région du Sahel et «il est tout à fait normal que nous ayons des relations avec les autorités algériennes sur cette question». Le diplomate a ajouté, au cours d'un point de presse, que son pays et l'Algérie «ont la même préoccupation sur certaines questions, notamment celle du Sahel». Pour les observateurs, cette déclaration de M.Driencourt, sur une question très sensible, exprime la position de l'Elysée. Elle est de ce fait de nature à décrisper davantage les rapports entre Alger et Paris qui ont d'ailleurs amorcé une phase de réchauffement ces dernières semaines. C'est un autre signal très positif à la veille de l'arrivée à Alger de Jean-Pierre Raffarin auquel le président français, Nicolas Sarkozy, vient de confier une mission pour lever les obstacles économiques entre Paris et Alger. M.Raffarin abordera certainement d'autres questions, celles qui fâchent et il en existe. Le Sahel en fait partie, d'où le poids de la déclaration de M.Driencourt. Lundi dernier, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a souligné à Alger que la responsabilité des pays du Sahel implique, non seulement la lutte antiterroriste mais également le développement global de la région qui est un objectif «noble». «Notre responsabilité dépasse de loin la lutte antiterroriste dans la région du Sahel. Elle englobe, aussi, le développement global dans cette région qui reste un objectif noble», a déclaré M.Medelci. «Avant d'évoquer l'intervention de certains pays qui s'intéressent à la région, il est plus opportun de parler des efforts consentis par les pays du Sahel, eux-mêmes, pour prendre en main leur destin», a-t-il affirmé, en réponse à une question sur l'intervention étrangère dans le Sahel confronté au terrorisme. Le même jour, les ministres des Affaires étrangères de l'UE réunis à Luxembourg, ont chargé la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, «de définir une stratégie sur le Sahel pour le début de l'année prochaine», selon le texte qu'ils ont adopté. «L'Union européenne a l'intention d'utiliser divers instruments à sa disposition d'une manière cohérente pour promouvoir la sécurité, la stabilité, le développement et la bonne gouvernance dans la bande sahélienne», composée du Niger, de la Mauritanie et du Mali, ajoute le document. L'Europe doit aussi tenir compte de la sensibilité de l'Algérie dans la région. En juillet dernier en pleine crise du Sahel, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a «zappé» l'Algérie lors d'une tournée qu'il avait effectuée dans les pays du Sahel. Un geste qui a exacerbé les relations entre Alger et Paris. Il a fallu l'intervention du ministre français de la Défense, Hervé Morin, qui a dû rectifier le tir: «Nous avons une coopération en matière de renseignement avec nos amis algériens.» Un autre fait est venu envenimer la situation quand le Maroc, le Tchad et la Libye, pays non frontaliers du Sahel, ont été conviés à la réunion de Bamako les 12 et 13 octobre dernier. Alger a toujours estimé que la sécurité dans le Sahel est du ressort des pays de cette région. «L'Algérie n'a jamais dit que les pays qui ne font pas partie de cette zone n'étaient pas concernés (par la lutte contre le terrorisme). Si ces pays peuvent apporter leur aide, ils sont les bienvenus mais ils ne peuvent venir s'implanter chez nous pour apporter la solution», a défendu Mourad Medelci. Après des mois de tension, les relations se sont décrispées. «Il faut regarder lucidement le passé pour construire l'avenir», a estimé l'ambassadeur français lors du même déplacement à Jijel où il a également évoqué les investissements français qui ont permis, selon lui, à un grand nombre d'entreprises d'être «présentes sur le long terme, donnant lieu à la création de nombreux emplois». Les relations entre les deux pays sont multiformes et couvrent tous les secteurs, a-t-il encore noté rappelant que ce sont avant tout des «relations historiques que l'on n'efface pas de part et d'autre et qui ne peuvent être que positives». M.Driencourt a cependant assuré être «parfaitement conscient que les problèmes liés à la mémoire sont importants pour le peuple algérien», a-t-il affirmé dans son propos conclusif.