Une salle debout applaudissant à tout rompre le maître d'oeuvre incontesté de ce festival né dans les années 1960. Que d'émotion! Un hommage très émouvant a été rendu, mercredi dernier, à celui qui est considéré ici (en Tunisie) comme le fondateur des JCC, véritable père du cinéma tunisien mais aussi des cinémas d'Afrique noire et des «nouveaux cinémas» du monde arabe dont il a été le promoteur infatigable. Le théâtre municipal de Tunis a vibré sous les applaudissements d'une salle debout devant le maître incontesté du cinéma, celui qui fut le président des ciné-clubs en Tunisie puis le créateur du Fespaco à Ouagadougou. Pour retracer son riche et immense parcours, le public a eu à apprécier le film de Mohamed Challouf, qui lui a été consacré et intitulé Tahar Cheriaâ, notre baobab. Pionner visionnaire, Tahar Cheriaâ est en effet celui qui est à l'origine du Fespaco qui a soutenu qu'il ait lieu un an sur deux en alternance avec les JCC. Dans les années 1960, il sera celui qui regarde vers le Sud saharien contre ceux qui regardaient vers le Nord. Présent à cet hommage aussi, la monteuse du film dira toute sa reconnaissance à ce Monsieur qui lui a ouvert la voie. L'Egyptien Toufik Salah soulignera dans ce film documentaire, pas entièrement achevé, le rôle de ce monument tunisien dans la diffusion des films arabes dans le cadre des ciné-clubs. «C'était le parrain du cinéma. Il savait flairer les talents.» Le réalisateur burkinabé Gaston Gaboré fera remarquer que Tahar Cheriaâ «a toujours su entrer au tréfonds des cinéastes. Il savait que nos différences étaient une richesse», soulignera-t-il. De son côté, Cheikh Omar Sissako, du Mali, dira toute la passion de M.Cheriaâ pour le cinéma. «Il en parlait avec force et nervosité.» Et d'ajouter: «Les cinéastes d'aujourd'hui doivent comprendre qu'ils ont une mission: rendre compte de ce continent, apporter à l'écran une façon de dire, d'aimer, de souffrir et de lutter, qui sont celles de nos sociétés africaines. Il s'agit de faire des films utiles, pour qu'il y ait plus de productions africaines et assurer leur distribution.» Noureddine Sael, directeur du Centre de la cinématographique marocaine, qualifiera Tahar Cheriaâ d'icône du cinéma africain, dans le sens de sa régulation du marché. Le célèbre réalisateur de Teza, Tanit d'or des JCC 2008, Haile Gerima d'Ethiopie, dira pour sa part: «Quand on rencontre Tahar, on sent que le cinéma africain est né dans la lutte.» Autres figures de proue qui ont compté dans la vie de Tahar Cheriaâ sont incontestablement Sembene Ousmane mais aussi la réalisatrice égyptienne Ateyyate,,présente elle aussi dans la salle. Cette documentariste ayant à son actif plus de vingt-neuf documentaires, a reçu par ailleurs, durant cette 23e session des JCC, un hommage en recevant le Prix de la présidence de l'Organi-sation de la femme arabe (OFA). Après ce documentaire passionnant, un autre film faisant parler le monument du cinéma tunisien a été également montré. Celui-la a été fabriqué par un étudiant de l'Institut supérieur des multimédias de Tunis. La venue de Tahar Cheriaâ en chaise roulante, a été perçue comme une révélation divine. Les Tunisiens peuvent se targuer de posséder un homme de sa trempe qui fut un grand militant pour le rayonnement du cinéma arabe et africain en veillant à sa diffusion dans le monde. Les JCC aujourd'hui, lui doivent beaucoup. Dora Bouchoucha, son successeur, est cet enfant spirituel qui a repris le flambeau haut la main et tente de faire maintenir la qualité de ce festival tant bien que mal. Car un festival c'est un défi permanent eu égard à l'impact de la mondialisation à laquelle nous devons faire face. Affirmer son identité par l'image est plus que jamais une gageure au quotidien et les JCC s'y emploient magnifiquement bien.