Cette organisation avait acquis une indépendance quasi totale du temps de Mustapha Akkal, Tayeb Djerrir, etc. On a tendance à oublier les groupes armés. Et voilà que, sans faire de bruit, presque sur la pointe des pieds serions-nous tentés de dire, ils reviennent nous rappeler leur présence. Et qui plus est mortelle. Le récent massacre de Boukaât El-Hadjadj, avant-hier, porte à 56 le nombre de personnes tuées depuis le début du mois d'octobre, à près de 380 depuis le début de l'été et à près de 1180 (dont au moins 350 islamistes armés) depuis le début de l'année. Après les récents massacres perpétrés dans la région de Chlef, cette wilaya devance, désormais, Tiaret en matière d'insécurité et de risques en dehors des grandes agglomérations urbaines. Les 15 personnes assassinées avant-hier portent la signature d'un groupe séparatiste du GIA dénommé Groupe des Houmât el-Daâwa es-Salafia (Ghds), dont la présence dans et autour des monts de l'Ouarsenis est quasi hégémonique vis-à-vis du GIA. Cette organisation, qui a fait scission avec le GIA depuis l'émirat de Kada Benchiha, avait acquis une indépendance quasi totale du temps de Mustapha Akkal, Tayeb Djerrir, etc. Les tentatives de réimplantation du GIA et les ralliements et alliances tentés pas le Gspc sont restés vains. Le Ghds entend être l'unique représentant du djihad armé dans le pourtour de l'Ouarsenis, chevauchant ainsi plusieurs wilayas, dont Chlef, Tiaret, Tissemsilt, Aïn Defla, Saïda, Sidi Bel Abbes, Relizane et Mascara. Le Ghds avait opté dès 1996 pour un «djihad propre» pour se démarquer du GIA, et jusqu'à une date récente, ses attaques concernaient uniquement les corps de sécurité, épargnant ainsi les populations civiles. Mais il semble qu'à la lumière des cinq derniers massacres perpétrés dans la wilaya, les assassinats collectifs font, désormais, partie de sa stratégie de guerre. Cela peut s'expliquer par la perte de l'essentiel des forces de l'organisation. La destruction des caches, la récupération des armes et munitions, la rupture des ponts qui les reliaient aux réseaux de soutien, fortement implantés dans le dense tissu urbain des villes et la poussée des militaires dans les sanctuaires terroristes ont été autant de motifs qui ont fait que le Ghds a continué à agir avec les moyens du bord, une stratégie en conséquence. La récente attaque (elle date de quelques mois) contre une patrouille militaire aux confins de la wilaya de Saïda, avait permis au Ghds d'assassiner 22 militaires et de récupérer leurs armes. Cette attaque spectaculaire, qui avait impliqué une grande audace et une prise de risque justifiée, s'expliquait par l'impérative nécessité de récupérer des armes. Pourtant, à l'origine (1998-1994), le Ghds, qui était un bataillon (katibat) dénommé El-Ahoual était le plus équipé en matière d'armement, après les vols d'armes perpétrés contre des casernes à Telagh, Sidi Bel Abbes et Relizane. Cette fantastique logistique d'El Ahoual avait motivé de graves dissensions avec la direction du GIA, et une explication musclée entre l'émir régional Kada Benchiha et son émir national Chérif Gousmi, en septembre 1994, à Hammam Righa. Le dépérissement des groupes armés ne doit pas, en fait, faire oublier l'essentiel : le terrorisme armé, qui a pris des années pour s'implanter, prendra des années pour disparaître. En attendant, la mort continuera à rôder dans les hameaux et les villages situés hors des centres urbains, et les petites gens continueront à mourir.