L'économie informelle favorise la propagation des faux dinars. Ce qui n'est pas loin de provoquer une psychose. En Algérie, la monnaie fiduciaire domine tous les modes de paiement; la monnaie électronique étant presque inexistante, avec une méfiance commune pour la monnaie scripturale (sans compter qu'il faut attendre des mois pour avoir son chéquier et réaliser une transaction entre deux wilayas). Selon l'économiste, Abderrahmane Mebtoul, ces pratiques trouvent un terrain propice du fait que souvent, bon nombre d'entreprises exigent du liquide dans leurs transactions. En outre, 75% des importations en 2009 se sont faites en cash. Dans une contribution adressée à notre rédaction, cet économiste souligne que pour des raisons tant économiques que culturelles, la majorité des opérateurs - surtout privés- commercent entre eux en cash. D'un autre côté, l'existence et l'augmentation de la sphère informelle, produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des appareils de l'Etat, qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation (limitant la politique monétaire de l'Etat, du fait de leur existence), permet l'évasion fiscale et la corruption. Même si les règles de base de l'économie de marché sont fondées sur deux postulats: le contrat et le crédit; sans une intégration intelligente de cette sphère, loin des mesures administratives autoritaires, les choses ne risquent pas de s'améliorer. Le blanchiment d'argent et la circulation de fausse monnaie représentent l'issue fatidique de tous ces dysfonctionnements qui touchent notre société, en prenant des proportions de plus en plus tragiques. Il est vrai qu'il existe de faux-monnayeurs dans tous les pays du monde, mais la proportion de leur trafic par rapport à la masse monétaire en circulation, est relativement faible du fait de la dominance de la monnaie scripturale et de la monnaie électronique. La possibilité de l'extension de faux billets est plus plausible dans une économie où le cash prédomine, et cela du fait que la plupart des gens préfèrent cacher l'argent chez eux (dans leurs maisons), et que, la majorité des sections de l'économie fonctionne sur des principes en dehors du droit, tel que l'Etat le définit. Au niveau international, la fausse monnaie n'a pas de répercussions directes puisque le dinar n'est pas convertible. Cela signifie que le système financier algérien est déconnecté des réseaux internationaux, montrant une économie perfusée par la rente des hydrocarbures (98% d'exportations et 75% d'importation). Il faut aussi être attentif aux fluctuations du dollar et de l'euro puisque la majorité des exportations algériennes se font en dollar et environ 60% des importations en euro. Sur le plan du commerce intérieur, l'extension de faux dinars risque d'entraîner une psychose. Les ménages privilégient les valeurs refuges comme l'or ou certaines valeurs immobilières, pouvant conduire à l'effondrement de l'économie en dévalorisant toute création durable de la richesse, dont la monnaie est le support, tout en alimentant une inflation incontrôlée. Comme effet d'entraînement, la spéculation générant la spéculation et une méfiance généralisée du fait que la base de fonctionnement de toute économie reposant sur la confiance, la généralisation de faux billets, la mauvaise monnaie chassant la bonne, risque de conduire le pays au chaos justement à cause de la psychose généralisée qu'elle peut déclencher, selon Mebtoul. D'après lui, il faut donc faire attention à une trop grande injection de la monnaie, qui risquerait d'amplifier l'inflation déjà importante et qui a déjà atteint 5,7% en 2009, avec une prévision de 5,5% en 2010, ce qui ne peut que conduire les banques primaires à relever leurs taux d'intérêts bloquant l'investissement. La démonétisation de certains billets attaqués par les faux-monnayeurs, doit être progressive et dans la discrétion absolue pour éviter la panique. Aussi, les mesures techniques, cartes de crédit et vérifications, ne seront des mesures efficaces que si des mécanismes de régulation clairs sont mis en place pour uniformiser l'espace économique et social évitant cette hétérogénéité qui favorise la fausse monnaie. L'Algérie se trouve depuis 1986, dans une interminable phase de transition, entre une économie planifiée, ou une véritable économie de marché, d'où les difficultés de régulation politique, social et économique solidaires. En bref, analyser objectivement l'existence et l'extension de la fausse monnaie implique une vision stratégique globale de la culture socio-économique de la société ainsi qu'une sensibilisation des citoyens et des opérateurs, afin d'endiguer la menace qui plane au-dessus de la sécurité nationale, conlut Mebtoul.