Le Maroc fait endosser à l'Algérie et au Front Polisario l'échec des dernières négociations sur le Sahara occidental et se dit attaché à la normalisation des relations algéro-marocaines. Le souverain marocain serait-il devenu amnésique? «L'heure de vérité a sonné pour dévoiler à la communauté internationale les affres de la répression, de l'intimidation, de l'humiliation et des tortures qui sont infligées à nos compatriotes dans les camps de Tindouf, en violation flagrante des principes les plus élémentaires du droit international humanitaire», avait accusé Mohammed VI, le 6 novembre 2010 à l'occasion de la célébration du 35e anniversaire de la marche verte qui a marqué le début de l'annexion du Sahara occidental. Que propose le Royaume chérifien près de dix jours plus tard? «Le Maroc reste attaché à la normalisation de ses relations avec l'Algérie, à l'ouverture d'un dialogue sérieux avec ce pays et à l'établissement d'une coopération fructueuse, sur la voie du raffermissement des relations bilatérales et de l'édification maghrébine», a affirmé le 15/10/2010 le ministre marocain des Affaires étrangères. L'attaque sanglante contre le camp de Gdeim Izik n'est aussi qu'un lointain mauvais souvenir. A quoi joue Rabat? Un jour pyromane, un jour pompier. Deux «humeurs» indispensables pour cultiver la contradiction. Le pouvoir marocain joue avec le feu, au risque de se brûler les doigts. L'incendie s'est cependant transformé en brasier et pour le circonscrire, il faudra s'armer de patience et cesser de jeter de l'huile sur le feu. Deux conditions que le Makhzen feint d'ignorer. A moins que le trône n'ait décidé de battre sa coulpe. Se repentir de ses crimes. Reconnaître la confiscation des libertés du peuple sahraoui. Faire amende honorable. A priori, cela ne semble pas en prendre le chemin. En effet, lundi dernier, au cours d'une conférence de presse conjointe avec son collègue de l'Intérieur, le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération a tenté de justifier l'échec du troisième cycle de négociations informelles qui ont eu lieu le 8 et le 9 novembre à Greentree, à Long Island, près de New York. «Les autres parties, l'Algérie et le Polisario, ont adopté une stratégie de diversion en faisant valoir tantôt les questions de droits de l'homme, tantôt l'exploitation des richesses naturelles des provinces du Sahara, dans le but d'éviter de véritables négociations», a déclaré Taïeb Fassi Fihri, qui commentait les événements d'El Aâyoune. Pour rappel, l'assaut meurtrier des forces d'occupation marocaines qui a surpris en plein sommeil plus de 20.000 réfugiés sahraouis du camp de Gdeim Izik, s'est soldé, selon un bilan provisoire, par 21 tués, des centaines de blessés, de disparus et d'arrestations. Que représente ce massacre pour le gouvernement marocain? «Les derniers événements d'El Aâyoune constituent, à cet égard, une escalade dans cette stratégie, l'objectif étant de torpiller «la véritable négociation» à laquelle appelle l'ONU, qui insiste sur des pourparlers «substantiels» et qui interpelle les parties à intégrer une vision plus réaliste», a expliqué le chef de la diplomatie marocaine. Taïeb Fassi Fihri ne peut ignorer que les richesses du peuple sahraoui sont spoliées et sauvagement pillées alors que la question récurrente des droits de l'homme est devenue incontournable. «La répression sauvage contre la population civile dans les territoires occupés, les disparitions, la torture, les jugements iniques et sommaires, les enlèvements et emprisonnements des défenseurs des droits de l'homme et le pillage des ressources naturelles constituent une pratique quotidienne de l'occupant marocain, qui se fait au vu et au su de la Minurso», avait dénoncé avec vigueur le chef de la diplomatie sahraouie à la veille de la fin du précédent mandat de la Minurso qui s'est achevé le 30 avril 2010. Plus récemment, Amnesty International a exigé une enquête indépendante au sujet de l'attaque meurtrière qui a ciblé le camp de Gdeim Izik. «Si une force excessive a été utilisée, les responsables doivent rendre compte devant la justice», a estimé Malcolm Smart, directeur pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord pour les droits de l'homme de l'ONG. La liste des réactions hostiles à cette abominable agression est trop longue à énumérer. Le Maroc pratique la politique de l'autruche et s'engouffre dans une spirale paranoïaque qui ressemble à une stratégie qui n'a pour seul objectif que de maintenir le conflit du Sahara occidental dans ce statu quo qualifié d'intenable par Christopher Ross, le représentant personnel du SG de l'ONU. La sortie médiatique du chef de la diplomatie marocaine confirme cet état d'esprit. «L'affaire du campement de Gdem Izik a démontré l'acharnement de l'autre partie dans une tentative d'empoisonner le climat de la négociation», tente de faire croire Fassi Fihri. Le gouvernement marocain n'est pas à un délire près.