Les Burkinabés se rendaient aux urnes hier pour le premier tour de l'élection présidentielle dont le chef de l'Etat, Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1987, est le grand favori face à une opposition divisée. Quelque 3,2 millions de personnes étaient appelées hier à choisir leur président pour les cinq prochaines années. A Ouagadougou, des électeurs peu nombreux rejoignaient les bureaux de vote, ouverts de 06h00 (locales et GMT) à 18h00. Après avoir voté dans le centre de «Ouaga», Emile Ouédraogo, 28 ans, a indiqué avoir opté pour «le candidat Blaise Compaoré», «le bon choix». «Il se bat pour le développement du Burkina», dit cet agent commercial. 23 ans de pouvoir, «c'est trop pour une seule personne», juge à l'inverse Innocent Sanou, la trentaine. Ce gestionnaire d'un centre sportif a voté nul, jugeant les autres prétendants «pas crédibles». Ce scrutin a priori sans suspense oppose M.Compaoré à six candidats, cinq membres de l'opposition et un indépendant. Soutenus par de petits partis, l'avocat Bénéwendé Stanislas Sankara, chef de file de l'opposition à l'Assemblée nationale (et 2e en 2005 avec 4,88% des suffrages), et le diplomate, Hama Arba Diallo, sont considérés comme ses concurrents les plus sérieux. Les cinq opposants ont dénoncé des «irrégularités» sur les cartes d'électeur qui font planer selon eux un risque de fraude. Après avoir envisagé de se retirer de la course, ils se sont finalement ravisés samedi, invoquant le «respect des électeurs». La campagne, qui n'a pas déchaîné les passions, a donné la preuve de la disproportion des forces entre un chef de l'Etat promettant un Burkina «émergent» lors de meetings géants et ses rivaux abonnés aux petits rassemblements. Le faible nombre d'inscrits sur la liste électorale -3,2 millions, contre 3,9 millions en 2005, pour environ 16 millions d'habitants - traduit largement un désintérêt de la population. Et les électeurs n'ont pas tous récupéré leur carte, laissant craindre un faible taux de participation (57,66% il y a cinq ans). La Commission électorale nationale indépendante (Céni) compte proclamer les résultats provisoires «au plus tard» le jeudi 25 novembre. Compaoré, 59 ans, brigue le dernier quinquennat que lui autorise la Constitution. Cependant son parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), souhaite la réviser pour lui permettre de se représenter après 2015. Le chef de l'Etat n'a pas révélé ses intentions, mais a laissé toutes les options ouvertes. L'influente Eglise catholique et surtout l'opposition sont déjà montées au créneau pour contester un tel projet. Le sortant a accédé au pouvoir en 1987 lors du coup d'Etat au cours duquel fut tué Thomas Sankara, «père de la révolution» de cette ex-colonie française enclavée d'Afrique de l'Ouest, l'un des pays les plus pauvres du monde. L'ex-capitaine Compaoré, qui fut impliqué dans trois putschs, a été élu en 1991 à l'avènement du multipartisme, puis réélu en 1998 et 2005 (avec 80,35% des suffrages cette année-là). Il peut se targuer d'avoir apporté la stabilité à un pays naguère habitué aux convulsions et fait lui-même figure de «médiateur en chef» dans une Afrique de l'Ouest secouée par les crises, en Guinée et en Côte d'Ivoire en particulier. Quelque 10.000 éléments des forces de défense et de sécurité sont mobilisés pour le bon déroulement du vote à travers le pays. Environ 3000 observateurs nationaux et internationaux ont été déployés.