Le chef de la diplomatie marocaine veut faire la «leçon» aux élus de Strasbourg. Le ministre marocain des Affaires étrangères ne jouera pas sur du velours. Il ne sera pas non plus convié à une partie de plaisir. «Ici, c'est le Parlement européen et non pas celui du Maroc», a averti l'euro-parlementaire Willy Meyer du parti Gauche Unie, Izquierda Unida en espagnol. «Un homme averti en vaut deux», dit un certain adage. Taïeb Fassi Fihri a beau bomber le torse, mais au fond il sait très bien qu'il avance en terrain miné. Strasbourg n'est pas Rabat! Le chef de la diplomatie marocaine ne peut l'ignorer. Il s'entête toutefois et se résout à en découdre. Le ministre marocain des Affaires étrangères a déclaré qu'il se rendra au Parlement européen le 1er décembre prochain, demain, pour «prouver le caractère partial, injuste et déséquilibré de la résolution, démontrer la réalité politique et judiciaire et affirmer qu'il n'y a pas eu de morts dans le démantèlement du campement de protestation et que les forces de l'ordre marocaines n'étaient pas armées», a-t-il indiqué dans une dépêche répercutée par l'agence officielle marocaine MAP datée du 27/11/2010. Pour rappel, dans une résolution votée jeudi dernier, le Parlement européen a condamné l'assaut meurtrier mené le 8 novembre 2010 par les forces d'occupation marocaines contre le camp de toile sahraoui de Gdeim Izik. «Le Parlement européen exprime sa profonde préoccupation face à la nette détérioration de la situation au Sahara occidental et condamne fermement les violents incidents qui se sont produits dans le camp de Gdeim Izik lors de son démantèlement, ainsi que dans la ville d'El Aâyoune», indique le texte adopté par les élus européens qui plaident pour une commission d'enquête de l'Organisation des Nations unies. Désarçonné, le pouvoir marocain crie à la trahison. «La résolution du Parlement européen est précipitée et partiale. Précipitée car nous avions convenu avec la conférence des présidents que la résolution allait être adoptée en décembre prochain, et partiale parce qu'elle ne parle pas des droits humains de tous les Sahraouis y compris ceux qui sont sur le territoire algérien dans les camps du front Polisario», a confié à El Pais Fassi Fihri, visiblement ébranlé, dans une interview publiée samedi dernier par le quotidien espagnol. «C'est une bonne résolution, car, à la fois, elle condamne la violence utilisée dans le démantèlement du camp de Gdeim Izik, et reconnaît le processus de décolonisation au Sahara occidental», a fermement fait constater le député européen Willy Meyer qui a été refoulé du Sahara occidental alors qu'il tentait de se rendre à El Aâyoune pour s'informer des conséquences de l'assaut des forces marocaines contre la population sahraouie de la capitale occupée du Sahara occidental. «Le Maroc est le seul pays au monde à avoir signé avec l'Union européenne un Accord d'association privilégiée dont la clause numéro 2 exige de lui qu'il respecte les droits de l'homme. Ceci n'est pas le cas, et si Catherine Ashton (Haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Ndlr) ne demande pas aux autorités marocaines des garanties de respect de cet Accord, elle devrait agiter la menace de sa suspension. En tout cas, c'est un leurre que de penser que le Maroc se dirige vers un modèle de démocratie respectueuse des droits de l'homme», a souligné l'élu d'Izquierda Unida dans un entretien mis en ligne sur le site de myeurop.info. Le Maroc joue gros. Ses gesticulations s'expliquent par la probable remise en cause de l'accord qu'il a conclu avec l'Union européenne. Fassi Fihri, qui plastronne, réussira t-il à faire plier les députés européens? «Nous avons démantelé le campement pour trois raisons. La première est qu'après plusieurs semaines de négociations, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait un certain groupe qui ne voulait pas négocier. La deuxième est que les deux tiers du campement étaient constitués de tentes vides pour donner l'impression que la mobilisation était beaucoup plus importante. La troisième, enfin, est qu'il y avait plusieurs personnes à qui l'on interdisait de quitter le campement», a déclaré le ministre marocain des Affaires étrangères pour justifier l'assaut contre le «camp de la Liberté» tente t-il d'expliquer Des arguments qui ne peuvent cautionner la répression sauvage subie par la population sahraouie d'El Aâyoune. Le voyage de Taïeb Fassi Fihri à Strasbourg s'annonce comme un second revers pour la diplomatie marocaine et une puissante gifle pour le trône chérifien.