«Tous les créateurs marocains ont été sabotés dès la première édition du Festival de Marrakech, placée sous le signe des copains et des coquins et d'un paternalisme qui vous donne la certitude que vous n'êtes que de pauvres indigènes dans votre propre pays.» Nabil Lahlou, cinéaste marocain. Après avoir exclu les films algériens, le Festival international de Marrakech, qui a débuté avant-hier avec faste et paillettes, a également exclu les journalistes algériens. Les organisateurs français et marocains du festival n'ont pas accepté les demandes d'accréditation envoyés d'Alger. Seul un journaliste, Saâd Lounès, a pu obtenir une accréditation, mais à l'entrée du Palais des Congrès, un attaché de presse de l'agence PR Media lui a retiré le badge lui signifiant qu'il est indésirable au Palais des Congrès où s'est effectuée l'ouverture du festival. La décision a été prise, selon le concerné, par la directrice Fatima-Zohra Outaghani, suite à un article très critique sur l'édition 2009. «Nous n'accréditons pas les journalistes qui critiquent notre Festival.» C'est en ces termes que le préposé marocain a répondu au journaliste algérien. Les différentes demandes envoyées par les journalistes par mail à la direction ont eu une réponse défavorable. Cette décision est l'oeuvre de Bruno Barde, véritable gourou du Festival du film de Marrakech depuis 2004. Un an après, les responsables du festival n'ont toujours pas digéré l'article publié par ce journaliste dans l'hebdomadaire La vérité sous le titre A quoi sert le Festival de Marrakech? L'article confirme, en grande partie, l'écrit de l'Expression au sujet de la création du Festival de Marrakech et reprend, en partie la chronique publiée dans Ecran libre le 19 décembre 2009 sous le titre Bruno Barde, le roi illégitime du Festival de Marrakech. Dans les archives presse de la 9e édition du festival, on ne trouve effectivement aucune critique, juste des articles protocolaires. La société Public Système de Bruno Barde, gère plusieurs festivals et pas des moindres puisqu'il s'agit des Festivals américain de Deauville, asiatique de Deauville, d'Aventure de Manaus, fantastique de Gérardmer et policier de Cognac. Elle possède le carnet d'adresses le plus complet du showbiz français et américain. Cette année, le Festival de Marrakech rend un hommage au cinéma français en programmant plusieurs films phares et cela afin de remercier la France pour son soutien au Conseil de sécurité dans l'affaire des événements d'El Aâyoune, d'avoir ainsi empêché l'envoi par l'ONU d'une mission d'enquête internationale. Mais il n'y a pas que les Algériens qui sont exclus de ce festival, les cinéastes marocains aussi sont exclus de cette manifestation. Un seul a pourtant osé s'insurger contre ce festival qui fait plus dans le tourisme que pour le cinéma, puisque la majorité des films sélectionnés sont inconnus et n'auront pas d'avenir dans d'autres festivals. Ainsi, le cinéaste Nabyl Lahlou, ami des cinéastes algériens et ancien professeur à l'Ismas de Bordj El Kiffan, a écrit le 2 décembre dernier une lettre à Francis Ford Coppola, invité d'honneur du Festival de Marrakech, dans laquelle il expose la situation désastreuse du cinéma marocain: absence d'école de cinéma, existence de 40 salles seulement qui diffusent 97% de films américains, la production par le Maroc de trois à quatre films seulement par an, des films qui ne voient le jour que deux à trois ans après le premier tour de manivelle de leur tournage, alors que le discours officiel, lui, annonce que le Maroc produit entre quinze et vingt films par an. Le réalisateur marocain indique qu'après plus de soixante ans de tournage de films étrangers au maroc, et 55 ans d'indépendance, le Maroc ne dispose aujourd'hui, que de trois chefs opérateurs pour filmer en 35 mm. Quant à l'existence d'un vrai directeur de la photographie, digne de ce nom, il n'y en a point. C'est dire qu'un festival ne signifie pas toujours que le cinéma du pays va bien.