Le président de la République sahraouie demande au souverain marocain d'honorer la mémoire de son défunt père, Hassan II, de respecter ses engagements et les conventions internationales qu'il a ratifiées. Le message de Mohamed Abdelaziz fera t-il mouche? «Ceux qui vous conseillent, soit au Maroc soit à l'étranger, de refuser l'arbitrage démocratique à travers l'organisation d'un référendum d'autodétermination, poussent de plus en plus le Maroc vers l'isolement, vers davantage de complications et à l'explosion de la région. Ce scénario va à l'encontre des intérêts du Maroc et de sa stabilité», prévient la missive du président sahraoui adressée au roi du Maroc à l'occasion de la célébration du 62e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme (10 décembre 1948-10 décembre 2010 Ndlr). Certains y verront une main tendue pour faire la paix. D'autres un appel pour le respect de la légalité internationale. La lettre ouverte adressée par le secrétaire général du Front Polisario au souverain chérifien est tout cela à la fois. Elle est courageuse. Lucide. Elle dénonce la répression subie par le peuple sahraoui. Les souffrances des peuples du Maghreb. Elle met en garde l'héritier de feu Hassan II contre l'isolement de son royaume sur la scène internationale. Elle appelle le gouvernement marocain à mettre en oeuvre les différentes résolutions adoptées par le Conseil de sécurité qui garantissent toutes le droit au peuple sahraoui de se prononcer librement quant à son avenir, dans le cadre de la tenue d'un référendum. Le temps presse. «L'occasion est encore devant vous de réfléchir avec sagesse à la situation désastreuse que connaît actuellement la région. Vous pouvez imaginer les conséquences fâcheuses que connaîtrait la région si le gouvernement marocain ne cèdait pas à la volonté populaire sahraouie et à la volonté de la communauté internationale d'organiser un référendum d'autodétermination et approuvé par le Conseil de sécurité de l'ONU en 1991. Le référendum de l'autodétermination est la solution démocratique de la question sahraouie», peut-on lire dans la lettre du secrétaire général du Front Polisario publiée par l'agence de presse officielle sahraouie SPS. Et comme pour convaincre le roi du Maroc de la justesse de son analyse, le président sahraoui fait référence à au défunt souverain disparu. «Le Maroc est disposé, à partir de demain, à accorder des facilités aux observateurs internationaux et de mettre un terme à la violence afin de consulter le peuple...le Maroc s'engage devant l'assemblée de respecter la décision d'un référendum», avait déclaré Hassan II lors de son discours prononcé à l'occasion de la tenue de la 37e session de l'Assemblée générale des Nations unies au mois de septembre 1983. «Je ne veux qu'un référendum d'autodétermination, je ne veux qu'un referendum d'autodétermination, je ne veux qu'un référendum d'autodétermination», avait répondu avec insistance le souverain disparu à James Baker, ex-envoyé spécial du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies pour le Sahara occidental, lors de leur première rencontre au mois d'avril 1997. Le président de la République arabe sahraouie met l'accent sur la sagesse de feu Hassan II, pourtant réputé pour son intransigeance. La missive de Mohamed Abdelaziz est sans concession. Elle rappelle les événements dramatiques du camp de Gdeim Izik et met sans sourciller le Maroc devant ses responsabilités. «La version marocaine des faits est écoeurante. En effet, elle a transformé les bataillons de soldats marocains armés jusqu'aux dents en artistes et peintres sensibles, alors que les victimes qui sont des femmes, enfants et vieux sahraouis qui ont passé 30 jours au camp Gdeim Izik, ont été transformés, du jour en lendemain, en vampires, terroristes et hors-la-loi. Ces préemptions ont été démenties par de nombreuses institutions internationales, Organisations non gouvernementales (ONG) et les rapports de presse», précise sur un ton grave proche de la «dérision» Mohamed Abdelaziz. «Certains cercles au Maroc exploitent de nombreux médias marocains pour semer la discorde, inciter les Marocains à la haine contre tout ce qui est sahraoui et au racisme. De tels actes irresponsables ne mènent que vers la haine, le racisme, l'intolérance et la violence», prévient-il. Mohammed VI y prêtera-t-il une oreille attentive? A l'heure où nous mettons sous presse, le message du président sahraoui n'a pas été, encore, répercuté par la presse marocaine. A l'image des événements sanglants de la ville occupée d'El Aâyoune, a-t-il été mis sous embargo? Du côté de Rabat, l'heure est à la diabolisation du Front Polisario. «Six trafiquants internationaux de drogue ont été arrêtés, récemment, au Mali. Les trafiquants en question sont issus des rangs du Polisario», rapporte sur son site le quotidien eMarrakech. «L'arrestation par les forces de sécurité maliennes, jeudi, de six trafiquants de drogue internationaux, issus des rangs du «Polisario», confirme le basculement de celui-ci dans le trafic des stupéfiants en relation avec les activités de l'organisation terroriste Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi) qui a étendu ses tentacules jusque dans la région du Sahel», écrit de son côté l'agence officielle de presse marocaine MAP dans une dépêche datée du 11/12/2010. A soixante-douze heures de la tenue de la quatrième rencontre informelle entre le Maroc et le Polisario, le Makhzen annonce la couleur. La lettre ouverte de Mohammed Abdelaziz qui atteste de la bonne foi qui anime les négociateurs sahraouis, pourrait mettre K.-O. la diplomatie marocaine.