Faute de n'avoir pas pu anticiper les éléments de la crise, le ministre prône le retour à l'ancien système qui permettait aux grossistes d'opérer avec de faux registres du commerce. Un ministre peut-il transgresser les lois de la République? Un ministre a-t-il le droit de dérouter ses concitoyens? Deux questions qui s'imposent après les sorties médiatiques de ces derniers jours de Mustapha Benbada. Le ministre du Commerce s'est réuni jeudi avec les transformateurs et importateurs de sucre et d'huile. Ses services ont commencé à reprendre la situation en main, a-t-il souligné précisant qu'un règlement de cette crise subite des produits de large consommation sera perceptible à partir de la semaine prochaine. «Nous pensons que nous commençons à maîtriser cette crise et nous souhaitons lui trouver une solution dès le début de la semaine prochaine», a-t-il indiqué à la presse en marge de cette rencontre. Il y a à peine trois jours, il avait soutenu que la baisse de ces prix n'interviendrait qu'au mois de mars prochain! Alors pour qui prend-il les Algériens? Mustapha Benbada donne l'impression d'avoir perdu les pédales dans la gestion de cette crise de la vie chère qui a enflammé les quartiers de plusieurs grandes villes. En effet, pour un retour à la normale il ne demande ni plus ni moins que de surseoir à la loi qui interdit de traiter avec les commerçants de gros ne possédant pas de vrais registres du commerce. Il a été convenu d'oeuvrer en faveur d'un règlement de la crise, les opérateurs ont accepté d'annuler les nouvelles conditions imposées en début d'année aux marchands de gros, indique le communiqué du ministre répercuté par une dépêche de l'APS datée du 6 janvier. Comble de l'histoire! c'est à ces mêmes grossistes qui ont jeté de l'huile sur le feu et à qui il a jeté la pierre, qu'il compte faire une fleur. Le ministre du Commerce impute cette fulgurante hausse des prix «aux pratiques illégales de certains commerçants qui ont vendu les anciens stocks à des prix élevés et injustifiés, notamment après que les producteurs eurent imposé aux grossistes de nouvelles conditions pour les amener à se conformer aux lois en vigueur». De quoi perdre la tête! L'alternative décidée par Benbada pour juguler la crise, si elle venait à être mise en pratique, remettrait sérieusement en cause la crédibilité de l'Etat et encouragerait le secteur de l'informel qui met déjà à mal l'économie nationale. Il pèse de tout son poids sur le Produit intérieur brut dont il représente, selon certaines estimations, pas moins de 45%. On savait que les pouvoirs publics, pour expliquer les crises récurrentes qui secouent le marché des produits de base et de la consommation en général, ont pris la fâcheuse habitude de mettre tout sur le dos des spéculateurs ou à défaut de se renvoyer la balle. Une manière comme une autre érigée en système de défense ou en culture pour mieux cacher son incompétence. Benbada en a donné la preuve cette fois-ci mais n'a cependant pas dérogé à la règle puisque son prédécesseur en avait offert l'exemple lors de la crise de la pomme de terre. El Hachemi Djaâboub, ex-ministre du Commerce et Saïd Barkat, ancien ministre de l'Agriculture ont formé un duo, mémorable qui n'a jamais pu accorder ses violons. Les deux hommes se sont refilés la patate chaude au sujet de la pénurie de pomme de terre. Le prix de ce tubercule avait dépassé les 100 dinars le kilogramme à l'époque. Quelques mois plus tard l'histoire bégaie de nouveau. A force de tirer sur la corde, elle a fini par casser. Le quotidien des citoyens est devenu insupportable. Des signes avant-coureurs de la révolte étaient identifiés. Le degré de la colère a été imprévisible. De jeunes manifestants l'ont exprimée avec violence. Sans crier gare. Elle a été sans aucun doute trop longtemps contenue. De vraies réponses à leur mal- vie s'imposent.