La recrudescence terroriste a de quoi inquiéter lourdement les populations de ces régions. Certaines régions de l'ouest du pays, Chlef, Aïn Defla et Relizane notamment, ont le plus souffert des affres du terrorisme le plus aveugle et le plus criminel qui se puisse concevoir. Le plus grand massacre qu'ait jamais connu l'Algérie durant cette décennie est celui de Relizane, qui s'était soldé, en 98, par plus de 400 morts selon des estimations recoupées, mais jamais confirmées par aucune source officielle. La recrudescence terroriste, observée depuis plusieurs mois à travers tout le territoire national, quoique le phénomène continuât d'évoluer en dents de scie voilà plusieurs années de cela dans le cadre d'une courbe malgré tout descendante, a de quoi inquiéter lourdement les populations de ces régions. Le dernier massacre de Chlef, sans doute, a donné le ton de ce que risquent d'être les jours et semaines à venir, spécialement durant le mois de ramadan où les groupes terroristes redoublent de férocité. Le massacre, qui s'était soldé par 21 morts, n'avait même pas épargné un nourrisson de trois mois, rappelant étrangement une époque que l'on pensait révolue, celle des grands massacres de 98. Les populations qui n'ont pas cédé à la dure loi de l'exode, disséminées à travers des hameaux et des demeures (gourbis) qu'il serait chimérique de vouloir tous les protéger, ont cédé à la panique. Poussées en cela, dit-on, par des cercles au pouvoir, elles veulent marcher en vue de se faire entendre. La teneur de leurs slogans demeure encore inconnue. Mais, au regard des cercles occultes qui manipulent cette détresse, il ne fait presque pas de doute qu'elles seront hostiles à la concorde nationale que prône le chef de l'Etat depuis de nombreux mois. Les moyens humains et matériels déployés à cet effet dépassent de loin une simple velléité citoyenne. Des véhicules munis de mégaphones, nous dit-on, seraient en train de sillonner tous les hameaux de la wilaya en vue d'inciter les citoyens à venir nombreux à cette marche. Or, aucune justification logique, ni même politique, n'étaye cette démarche. D'abord, parce que le sursaut populaire contre le terrorisme a déjà eu lieu depuis sept longues années. Ce qui, du reste, a permis de défaire totalement le phénomène sur le plan politique, mais aussi d'enregistrer de grandes victoires militaires sur lui. C'est grâce aux patriotes et aux GLD, apparus à la suite des historiques élections du 16 novembre 95, que le peuple, connaissant bien les maquis, mais aussi les criminels eux-mêmes, s'est durablement impliqué dans la lutte antiterroriste. Il n'a pas failli depuis. L'engagement de l'Etat, tous corps confondus, dans la lutte contre ce fléau, n'a pas failli non plus. Les défaillances, si défaillances il y a, ne peuvent être dues qu'à une baisse de vigilance dont aurait pu profiter la bête immonde pour s'implanter de nouveau dans certaines régions du pays, notamment dans tout le centre, sur plusieurs centaines de kilomètres autour de la capitale. La preuve que la lutte n'a jamais cessé, c'est bien l'échec fait aux groupes qui voulaient s'implanter de nouveau en plein coeur d'Alger, mais aussi les nombreux ratissages réussis dans divers endroits de la capitale, ainsi que les divers réseaux de soutien logistique démantelés. La démarche du Président, explicitée dans de nombreux discours, ne vise nullement un quelconque compromis avec les islamistes radicaux, et encore moins avec les terroristes. Tant s'en faut. Rien ne justifie cette marche. Surtout si des agitateurs devaient chercher à en faire une tribune pour fustiger le Président, sa démarche du moins, et faire accroire à l'opinion que même le peuple, après certains médias et certains groupuscules politiques, serait contre le chef de l'Etat et son plan global de sortie de crise. Le temps des marches spontanées, ou même des marches provocatrices, ne devrait plus avoir cours chez nous. Les «organisateurs», il faut le croire, n'ont même pas pris la peine de déposer une demande auprès des autorités compétentes. L'état d'urgence, toujours en vigueur, risque de peser lourd sur la balance. Si la marche est interdite, pour un motif ou un autre, il s'en trouvera toujours quelques-uns pour décréter que le Président et ses hommes répriment les patriotes, les GLD et les victimes du terrorisme, alors qu'il continue de tendre la main à des criminels comme Hattab. Or, la réalité est loin d'être aussi simple, pour ne pas dire caricaturale. L'obsolescence de ce genre de pratiques et de discours, certes, n'est plus à démontrer. De même que ce serait faire montre d'infantilisme politique que de vouloir encore opposer réconciliateurs et éradicateurs au moment où les deux projets ont fait long feu et où le Président est en train d'innover une voix médiane pouvant créer un large consensus autour d'elle. Mais, comme la violence a constitué un fonds de commerce sans pareil pour de nombreux intérêts indicibles, le règlement pacifique, démocratique et concerté de la crise sécuritaire algérienne doit faire grincer pas mal de dents. On tente donc de faire échec à la démarche du Président en faisant mine de chercher à intensifier la lutte antiterroriste. Le peuple, il faut le croire, a acquis assez de maturité pour éluder ce genre de pièges grossiers.