Le qualificatif «crise» semble sérieusement irriter le ministre de l'Agriculture. «Il y a des choses qui tournent rond et comme elles étaient programmées. Subitement, il y a une flambée sur le marché international et il a fallu aux structures publiques d'intervenir», a déclaré Rachid Benaïssa, ministre de l'Agriculture et du Développement rural. Insinuant que ces pénuries sont provoquées, M.Benaïssa vient de jeter un véritable pavé dans la mare mais sans pour autant préciser quelles sont les parties qui sont derrière ces pénuries «provoquées». La certitude est que ces «actes» menacent sérieusement la stabilité sociale. Cette pénurie de lait qui a duré plusieurs jours a provoqué l'ire des ménages qui ne savaient pas à quel saint se vouer. Les pouvoirs publics ont répondu par des mesures d'urgence en inondant le marché de ce produit de large consommation. Certains cercles parlaient alors d'une crise programmée pour permettre d'écouler les stocks d'autres marques et produits laitiers notamment en poudre. Cela étant, le mot «crise» semble sérieusement irriter le ministre de l'Agriculture. Alors que tout le monde évoque les crises du lait, de la farine, du sucre, de l'huile et dont les pénuries risquent de perturber la paix sociale, le responsable du secteur qualifie autrement cette situation. Lors d'une conférence animée, hier au forum d'El moudjahid, le ministre a ainsi refusé de qualifier, sous le vocable de crise, les dernières pénuries notamment de sucre et d'huile qui ont embrasé le pays durant cinq jours. A propos de la dernière pénurie de lait, M.Benaïssa a expliqué qu'il y avait eu «un dysfonctionnement au sein de la filière». En tout état de cause, après cette pénurie, a souligné le conférencier, «on a pris des mesures et on a entamé des négociations avec les intervenants dans le domaine. Ce qui a abouti à la mise en place de plusieurs conseils interprofessionnels de lait». Idem pour le sucre et dont le ministre refuse de parler de crise. Pour y faire face, Benaïssa a souligné que son département vise, à travers sa politique d'encouragement de la production locale, à préserver la cohésion sociale et ce, dans le cadre de la recherche de la sécurité alimentaire.«Nous essayons de valoriser nos potentialités pour en produire davantage», a-t-il soutenu, rappelant qu'il y avait des initiatives, dans ce sens, par le passé mais qui ont été abandonnées faute d'encadrement. Les dernières augmentations des prix du sucre et de l'huile ont provoqué un mouvement de protestation au niveau national.L'Algérie a vécu cinq jours d'émeutes durant les premiers jours du mois en cours. Face à ces évènements, le gouvernement a convoqué un conseil interministeriel pour juguler la crise. Plusieurs mesures d'urgence étaient prises comme celles de plafonner les prix de ces deux produits de première nécessité. Concernant le blé, et répondant à une question sur les importations massives de céréales par l'Algérie, (l'Algérie a commandé récemment 600 000 quintaux) le ministre a considéré que l'achat est régulier et non massif. Selon lui, la commande de l'approvisionnement de l'Algérie en la matière n'est pas une demande exceptionnelle. Elle répond, a-t-il expliqué, à l'exigence de préserver les stocks et d'assurer, par ricochet, la cohésion sociale. Selon des observateurs, cette demande de l'Algérie vise à prévenir une crise qui risque de surgir et éviter une autre grogne sociale, notamment après la dernière pénurie de farine qui a provoqué la rareté du pain et l'augmentation des prix des produits dérivés. Pour enrayer ce phénomène, le ministre a défendu le retour à un système de régulation du marché qui couperait court aux spéculateurs et «qui ne perturbe ni les producteurs ni les consommateurs». «La régulation des produits alimentaires est devenue l'actualité non seulement au niveau national mais aussi au niveau international», a-t-il argué. Selon lui, le gouvernement a tiré les leçons de la crise de 2008 quand la pomme de terre avait atteint les 120 dinars le kilo, en revenant au système de régulation. «Ce système s'impose car la demande en matière de produits alimentaires est quotidienne alors que la production de produits agricoles est saisonnière», a-t-il encore expliqué. Il y a lieu de souligner enfin que le ministre a abordé longuement la politique de son département en matière de développement rural et de l'agriculture.