A la veille de ce come-back, les femmes tunisiennes ont marché à Tunis pour avertir les islamistes de ne pas toucher à leurs acquis. Après vingt ans d'exil à Londres, l'opposant islamiste tunisien Rached Ghannouchi, était de retour hier en Tunisie. A l'aéroport international de Tunis, il a été accueilli par les partisans islamistes, mais aussi par les groupes défenseurs de la laïcité. Les militants de cette formation politique, proche des Frères musulmans en Egypte, ont laissé éclater leur joie en voyant leur leader de retour dans son pays, signe de la reprise du militantisme islamique. Ce parti politique se veut, selon ses dirigeants, une formation qui représente un Islam modéré proche de l'AKP turc. Toléré au début de l'ère Ben Ali en 1987, ce mouvement avait été réprimé après les législatives de 1989, où les listes qu'il soutenait avaient recueilli au moins 17% des suffrages. Son leader Ghannouchi avait alors quitté la Tunisie pour l'Algérie, puis Londres. En 1992, il avait été condamné par contumace à la prison à perpétuité pour un complot contre le président. L'inquiétude et la peur se sont installées dans l'autre camp des défenseurs de la laïcité en Tunisie. Des images de la télévision tunisienne ont montré un groupe de jeunes accueillant M.Ghannouchi avec des placards dénonçant le retour des islamistes sur la scène politique tunisienne. «Oui à l'Islam et non à l'islamisme», «On ne veut pas un Etat islamique», lit-on sur ces placards et autres grandes affiches placardées sur les murs du hall de l'aéroport. A son arrivée à Tunis, le chef de file d'En-Nahdha a réitéré que sa formation n'ambitionne pas de diriger le pays, mais prétend prendre le contrôle du Parlement. «Je suis toujours le dirigeant de mon parti. S'il y a des élections libres et équitables, des législatives mais pas la présidentielle, Ennahda y participera», a-t-il réaffirmé. Interrogé sur la nouvelle donne politique en Tunisie après la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, Ghannouchi a été assez critique: «Il y a une certaine confusion. Le gouvernement de transition change de ministres tous les jours, il n'est pas stable et ses pouvoirs ne sont pas encore clairs», a-t-il déclaré en réclamant à nouveau un «gouvernement d'union nationale». Selon les observateurs, les islamistes tentent de récupérer «la Révolution de Jasmin». D'ailleurs, un des dirigeants de cette formation était le premier à annoncer la couleur, en affirmant que les acquis politiques de la Tunisie aujourd'hui sont, aussi, l'oeuvre des islamistes. A la veille du retour de M.Ghannouchi, des centaines de femmes ont crié à Tunis leur détermination à défendre l'émancipation acquise depuis plus d'un demi-siècle. A l'appel de l'Association tunisienne des femmes démocrates (Ftfd) et l'Association des femmes tunisiennes pour la recherche et le développement (Afturd), des centaines de femmes, universitaires, actrices, avocates et militantes de droits de l'homme ont participé à cette «marche pour la citoyenneté et l'égalité» sur l'avenue Habib Bourguiba. Pour la majorité des manifestantes, cette marche se veut un message aux islamistes qui cherchent, selon les associations représentant la femme tunisienne, à réduire à néant leur acquis. «Nous sommes là pour affirmer les droits acquis de la femme et éviter tout retour en arrière, pour dire que nous ne sommes pas prêtes à négocier notre liberté avec les islamistes», a déclaré une des organisatrices de cette marche. Entre les défenseurs de la laïcité, les islamistes et les défenseurs des droits des femmes, ce n'est qu'un début d'une nouvelle ère, une expérience démocratique qui commence en Tunisie.