Des livres à profusion, près de 2000 titres, et près de 200 auteurs invités. Sous l'intitulé général «Lire en fête», des manifestations ont été initiées en France par le ministère français de la Culture et de la Communication en collaboration avec le Centre national du livre (CNL), le temps d'un week-end (samedi 19 et dimanche 20 octobre 2002). L'objectif est de «célébrer l'écrit au rythme des expos, lectures, débats» et «de mettre en valeur le rôle essentiel de la librairie en matière de diffusion du livre et d'accès à la culture». Parmi ces manifestations, on note celle, peut-être la plus brillante entre toutes, de l'association culturelle France-Maghreb, dénommée «Coup de soleil». Cette association a été créée à Paris en 1985 «pour résister au racisme et à la xénophobie qui se développaient envers les Maghrébins de France». Elle entend rassembler «tous ceux qui ont un lien de vie et d'amitié avec le Maghreb». Ses travaux sont à l'origine de séminaires, colloques, rencontres conviviales, rencontres débats, tables-rondes (comme «Histoire et Mémoire» qui a permis de décrypter le massacre du 17 octobre 1961 de plus de 200 Algériens sur les bords de la Seine, à Paris !). Coup de soleil compte cinq sections locales en Essonne, en Languedoc-Roussillon, en Picardie, en Provence, en Rhône-Alpes, et deux sections sous la même dénomination «Aïn Chems» (Source du Soleil en langue arabe), l'une à Constantine (Algérie), l'au-tre à Casablanca (Maroc). Cette année, Coup de soleil a spécialement organisé, au sein de Lire en fête, la 9e édition de sa grande manifestation culturelle le Maghreb des livres et a trouvé, pour la deuxième année consécutive, abri prestigieux dans les splendides salons de l'Hôtel de Ville de Paris, grâce au maire, Bertrand Delanoë. Celui-ci a naturellement dit, sans doute, comme il le dit à ses administrés et à ses invités de marque: «Bienvenue à l'Hôtel de Ville, la maison de tous les Parisiens.» Et cela d'autant que Bertrand Delanoë est originaire de Tunisie et membre de Coup de soleil depuis 1985. Or, le maire de Paris, qui devait lui-même inaugurer le 9e Maghreb des livres, était victime, le dimanche 6 octobre, à 2 h 30 du matin, dans la salle des fêtes de l'Hôtel de Ville, de l'odieuse agression que l'on sait et qui aurait pu lui coûter la vie...Sur l'insistance de ses collaborateurs, de son entourage et de ses amis et sachant la forte volonté de Bertrand Delanoë de poursuivre la concrétisation du généreux symbole que représente le Maghreb des livres, il a été décidé de maintenir la manifestation et, s'il était encore possible, de lui donner plus d'éclat. La 9e édition du Maghreb des livres a donc eu lieu aux dates prévues à l'Hôtel de Ville de Paris (4e arrondissement). De fait, l'Hôtel de Ville de Paris est un édifice national et historique de premier ordre. L'imposant bâtiment actuel s'élève sur l'emplacement même de la modeste «Maison aux piliers» acquise en 1357, sur la place de Grève par le prévôt des marchands Etienne Marcel, pour servir de siège à la municipalité parisienne. Au cours des siècles, en 1533, puis sous la Révolution en 1789, puis en 1837, puis en 1865, puis en 1870 lors de la proclamation de la République, puis de 1871 à 1882, des transformations successives, souvent importantes, ont donné à l'édifice l'essentiel de son architecture générale. Cependant, le décor de l'escalier d'honneur, des Salons et de la Salle des Fêtes a été achevé dans les premières années du XXe siècle. Il célèbre la gloire de Paris, faisant de l'Hôtel de Ville une unité harmonieuse exaltant la capitale des Sciences, des Arts et des Lettres. Aujourd'hui, l'Hôtel de Ville est le siège de la démocratie locale, et un véritable musée de l'art contemporain... Les journées du Maghreb des livres se sont donc déroulées entièrement dans ce décor mélange somptueux de néo-Renaissance et de peintures aux styles variés de l'art ancien et de l'art moderne. Après la Tunisie en 2001 et avant l'Algérie en 2003, la présente édition accorde une place privilégiée au Maroc. Toutefois, ce Maghreb des li-vres se présente comme une vaste vitrine où l'on trouve près de 2000 titres différents: des nouveautés parues en 2001/2002, mais aussi une sélection d'ouvrages antérieurs traitant du Maghreb, de l'intégration ou écrits par des auteurs originaires du Maghreb, que leurs auteurs soient présents ou non à la manifestation. On trouve également les stands de 17 revues (dont Algérie Littérature / Action de Marsa-éditions), les stands de la presse écrite et audiovisuelle (Le Monde, Jeune-Afrique L'Intelligent, Arabika, radio Beur-FM), les stands de Au nom de la mémoire et d'Amnesty international, ainsi que le dessin de presse et de la bande dessinée (Slim, Gyps, Melouah, Jacques Ferrandez...), des livres en exposition ou en vente sur le Maghreb d'un grand nombre d'éditeurs français, marocains, tunisiens, algériens (comme les éditions Bouchène présentées par Les amis d'Escales, les éditions-Marsa ou les éditions Barzakh). Les livres anciens sont proposés par la librairie-galerie Maître Albert. D'autres stands exposent de magnifiques livres, photos, posters et cartes postales du célèbre photographe du désert Alain Sèbe et divers CD de chansons et musiques du Maghreb (chez Créon-musique). Sont aussi offertes au regard des expositions de cartes postales anciennes du Maroc et des aquarelles de Catherine Rossi, de même qu'on peut voir en boucle des films documentaires sur un écran de télévision. Mais les temps forts du Maghreb des livres sont incontestablement: la foule incessante des visiteurs parisiens ou étrangers (des Algériens aussi de passage ou émigrés) durant les deux journées dans la librairie installée dans la Salle des Fêtes de l'Hôtel de Ville et tenue par Laurence Lemarchand et Gérard Moreau de la librairie parisienne Epigramme, les séances de dédicaces, les rencontres avec les auteurs invités par l'association Coup de soleil, les trois tables-rondes dans le salon Georges-Bertrand (thèmes: «Mères en Méditerranée»; «Etre Français et Maghrébin»; «Pourquoi un tel foisonnement de la littérature marocaine?»), les trois ateliers dans le salon Jean-Paul-Laurens (thèmes: «Hommage au poète marocain Mohamed Khaïreddine»; «Regards sur les femmes du Maghreb»; «Décoloniser les imaginaires» avec une session slam (un art «lyrical» dont la simplicité fait la force: un micro et 5 minutes pour interpréter son texte sous n'importe quelle forme et sans support musical) avec les slameurs Zeor (du groupe Steus) et Georges Cyprien («Culture urbaine» de Sarcelles). Au hasard du temps, des séances de dédicaces, des ateliers et des tables-rondes, on pouvait rencontrer quelques auteurs algériens invités avec leurs ouvrages édités en Algérie (Casbah-Editions ou Editions-Marsa) et trouver des ouvrages, en grand nombre, traitant de divers sujets sur l'Algérie, ce cher pays des contrastes et des miracles qui intéresse et interpelle de nombreuses et hautes consciences. L'ambiance est sereine dans un cadre prodigieusement favorable à l'accueil des civilisations plurielles, une invite chaleureuse à comprendre «l'autre semblable et différent». Le dialogue est ouvert et spontanément fort respectueux de l'esprit méditerranéen. Se développent alors l'estime et l'amitié, la solidarité humaine et en soi-même le bonheur d'être au coeur d'une puissante manifestation culturelle où l'intelligence crée l'événement vital de l'être humain, favorisant l'épanouissement total de ce dernier et le témoignage de ses identités mutliples.