Les membres du panel viendront dans un mois avec des décisions contraignantes pour les deux camps. Le panel de l'Union africaine (UA), désormais en charge de dénouer la crise ivoirienne, aura une marge de manoeuvre très étroite et devra surmonter ses divisions pour pousser en douceur le président sortant Laurent Gbagbo vers la sortie. Mis en place à l'avant-veille du 16e sommet de l'UA à Addis Abeba, ce panel de cinq chefs d'Etat du continent «est désormais en charge du problème», résume un porte-parole de l'UA, et prend de fait la suite de toutes les médiations africaines infructueuses menées jusqu'à présent. Deux mois après le scrutin contesté du 28 novembre, le blocage reste total en Côte d'Ivoire, où M.Gbagbo refuse de céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara, pourtant reconnu comme président élu par la quasi-totalité de la communauté internationale. Les membres du panel -Mauritanie, Tchad, Afrique du Sud, Burkina Faso, Tanzanie, UA, Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest)- viendront d'ici un mois avec des décisions «contraignantes» pour les deux camps.s. Ils se sont réunis une première fois lundi pour constituer une équipe «d'experts» chargées d'entamer immédiatement son «travail préparatoire» à Abidjan, et qui présentera ses conclusions lors d'une réunion à Nouakchott. Le panel lui-même «se rendra par la suite en Côte d'Ivoire pour y rencontrer les parties et leur soumettre des propositions de sortie de crise», selon un communiqué de l'UA. Il s'agit d'«amener Ouattara à exercer la réalité du pouvoir par la négociation», selon le patron de l'UA, Jean Ping. Cette recherche d'une «solution pacifique» met pour le moment entre parenthèses l'usage de la force pour déloger Gbagbo de son palais, un moment très sérieusement envisagé par les pays d'Afrique de l'Ouest, Nigeria en tête. Que va donc bien pouvoir négocier le panel de l'UA? A Addis Abeba, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a exclu d'entrée un recompte des voix, voulu par le camp Gbagbo et son allié angolais, qui serait «une grave injustice». Le secrétaire général adjoint de l'ONU aux opérations de maintien de la paix, Alain Leroy, a écarté un «partage du pouvoir» à égalité entre les deux camps, «une question qui ne se pose pas» alors «qu'il ne peut y avoir qu'un seul président élu». Ban Ki-moon a en revanche appelé Ouattara «à former un gouvernement d'union nationale», avec la possibilité d'inclure des ministres pro-Gbagbo, et «une sortie honorable» pour le président sortant. Sur la base de la reconnaissance de M.Ouattara comme président élu, «toutes les possibilités sont ouvertes», a commenté son Commissaire à la paix et à la sécurité, Ramtane Lamamra. «Les positions initiales de l'UA comme de la Cédéao étaient très claires, elles ne laissaient aucune fenêtre pour la discussion», estime Jakkie Cilliers, de l'Institut des études de sécurité (ISS): «le panel doit maintenant essayer de trouver un espace de négociations». La marge de manoeuvre est d'autant plus étroite qu'il s'agira pour l'UA de parler d'une même voix, alors que de très nettes dissensions sont apparues au sein de «la grande famille africaine» réunie à Addis Abeba. L'Afrique du Sud ou l'Ouganda sont revenus ces derniers jours sur l'intransigeance affichée jusqu'à présent par l'UA envers M.Gbagbo, au nom de la nécessité de trouver une issue pacifique à la crise. Le sommet d'Addis a révélé «de profondes divisions» entre le Nigeria, lassé de cette interminable crise dans son pré-carré, et l'Afrique du Sud, sensible à la posture anti-colonialiste de Gbagbo, observe M.Cilliers. «La présence de l'Afrique du Sud au sein du panel est à double tranchant pour Gbagbo», qui se retrouve désormais face à une seule entité, dont certes son allié est membre, mais qui s'exprimera collectivement et dont les conclusions «africaines» seront sans doute sans appel.