Les manifestations ont toujours été tolérées. Même un peu trop, estiment certains à cause du blocage des routes. La levée prochaine de l'état d'urgence et l'ouverture des médias aux partis et organisations ainsi que les mesures économiques annoncées par les pouvoirs publics, sont l'essentiel des sujets en débat dans les lieux publics à Béjaïa. Cela ne pouvait pas en être autrement lorsqu'on sait toute l'importance qu'elles revêtent, tant sur le plan politique qu'économique. Le débat sur ces sujets n'a pas seulement lieu dans la rue et les lieux publics, mais aussi au sein des cadres organisés. Si de nombreuses personnes considèrent que les mesures annoncées découlent de par ce qui se passe dans le monde arabe, et plus particulièrement chez nos voisins tunisiens et égyptiens, il n'en demeure pas moins que le rôle de l'opposition est largement cité. La réponse apportée par les pouvoirs publics, à leur tête le président de la République, est saluée avec un espoir grandissant quant à leur concrétisation réelle sur le terrain. La méfiance reste, cependant de mise quant à la levée de l'état d'urgence, quand bien même des signes encourageants ont vu le jour à travers les médias lourds ouverts à l'opposition. Dans un café de la ville de Béjaïa, les décisions annoncées par le président de la République faisaient, hier encore, objet de débat. Entre les réticents ou les sceptiques qui ne croient pas trop aux promesses d'un pouvoir et les plus confiants qui notent à travers ces mesures «une évolution qualitative sans heurts», l'homme de la rue paraît optimiste. A Béjaïa, la levée prochaine de l'état d'urgence laisse l'homme de la rue quelque peu indifférent par rapport aux mesures économiques et sociales. «L'état d'urgence n'a jamais été un handicap pour l'expression politique dans cette région», a souligné Rachid. Les manifestations ont toujours été tolérées «même un peu trop», estime plus loin ce commerçant qui venait de rebrousser chemin à Mellala où des citoyens ont, sans préavis, fermé la RN12. Les questions politiques sont plutôt abordées par les plus initiés, en l'occurrence les militants de syndicats, de partis politiques. Ces derniers ont relevé une contradiction qui s'illustre à travers «l'interdiction des marches dans la capitale et la levée de l'état d'urgence». Cette dernière mesure annoncée mercredi dernier «sera sans effet, tant que la capitale de tous les Algériens reste inaccessible à l'expression démocratique», commente ce militant politique. Globalement, on estime que «le changement doit se faire par une série de mesures à même d'inciter les citoyens à reprendre confiance». Plus explicites, certaines des mesures «doivent concerner une bonne ouverture des médias, la dépénalisation du délit de presse, l'ouverture du champ politique, la tenue des élections législatives anticipées crédibles pour aboutir à un gouvernement légitime afin de mettre fin à l'anarchie et garantir la stabilité du pays». Des citoyens que nous avons abordés estiment que «les mesures prises constituent un premier pas, toutefois insuffisant pour garantir une transition en douceur dans un pays gangrené par la corruption et l'injustice». «La levée de l'état d'urgence est une bonne chose de par le fait qu'elle évite la surenchère politicienne», estime ce citoyen qui ne cache pas sa neutralité politique. La dépénalisation du délit de presse qui n'a pas été pris en charge jusque-là, est attendue avec impatience eu égard «à son apport non négligeable dans la lutte contre la corruption qui ronge notre société», affirme Ahmed. Plus sceptiques, d'autres pensent que la levée de l'état d'urgence arrive juste «pour calmer les esprits qui s'échauffent» à la veille de la marche du 12 février. L'homme de la rue accorde plus d'intérêt aux mesures économiques que celles politiques. Eu égard à la dégradation du pouvoir d'achat, tout ce qui va dans le sens d'une réduction des prix est salué. Il en est ainsi de ce qui est qualifié comme une rectification des dysfonctionnements de certains dispositifs pris antérieurement dans plusieurs domaines. Alléger le fardeau de la vie quotidienne est, par conséquent, un facteur de stabilisation, estime-t-on encore.