Le Conseil des ministres, présidé jeudi par le chef de l'Etat, a pris un certain nombre de mesures en rapport avec la situation prévalant dans le pays. Nonobstant les autres centres d'intérêt (justice, emploi, logement, infrastructures, hydrocarbures, diplomatie...) examinés par le Conseil des ministres qui s'est réuni, jeudi, sous la présidence du chef de l'Etat, quatre points retiennent de fait l'attention et qui sont l'annonce de la prochaine levée de l'état d'urgence, l'ouverture médiatique, les marches dans la capitale, les dérapages des manifestations du début du mois de janvier. En fait, autant de sujets qui préoccupent et sont au centre des revendications partisanes récurrentes. Les réactions étaient plutôt mitigées et les mesures prises différemment perçues par les politologues et analystes qui s'interrogent sur la portée de décisions venues quelque peu sur le tard. Cela étant, il faut relever, néanmoins, que c'est la première fois que le chef de l'Etat évoque directement des questions jusqu'ici occultées, voire minimisées ou considérées sans impact sur la société. De là à dire que le pouvoir a anticipé les évènements à venir, il n'y a qu'un pas que d'aucuns n'ont pas hésité à franchir avec, à l'esprit, la contagion redoutée des révoltes tunisienne et égyptienne. Le gouvernement a semblé ainsi prendre les devants et corriger l'appréciation de Noureddine Yazid Zerhouni lequel affirmait, vingt-quatre heures plus tôt devant les journalistes, que l'état d'urgence ne serait pas levé. D'ailleurs, lors de ce Conseil des ministres, le chef de l'Etat a clairement souligné: «Aussi, pour mettre un terme à toute polémique infondée sur cette question, (la levée de l'état d'urgence, Ndlr) je charge le gouvernement de s'atteler, sans délai, à l'élaboration de textes appropriés qui permettront à l'Etat de poursuivre la lutte antiterroriste jusqu'à son aboutissement, avec la même efficacité et toujours dans le cadre de la loi.» Dès lors, la question qui se pose est de savoir pourquoi l'Etat a autant tergiversé à prendre en charge un problème (l'état d'urgence) qui, est-il indiqué, «n'a, à aucun moment, entravé une activité politique pluraliste des plus riches, ni contrarié le déroulement de campagnes électorales intenses, de l'avis même des observateurs qui les ont suivies». Sans doute, il n'en reste pas moins qu'hommes politiques, société civile et associations appréhendaient cette situation comme un blocage psychologique qui annihile toute relation normale entre le pouvoir et la classe politique nationale. Et d'aucuns d'estimer alors que le maintien de l'état d'urgence, qui n'avait plus lieu d'être, selon eux, entravait de fait, indiquent-ils, toute manifestation à caractère politique entrant dans le cadre normal d'activités de leurs partis. Il est de même de l'interdiction des marches organisées dans la capitale. A ce propos, le chef de l'Etat relève: «Certes, la capitale fait exception dans ce domaine pour des raisons d'ordre public bien connues, et certainement pas pour y empêcher une quelconque expression». Or, l'autorisation des marches, partout ailleurs sur le territoire national, comme le soulignait M.Bouteflika dans son intervention, ne compense pas, toutefois, une marche dans la capitale laquelle, est-il utile de le souligner, a une portée politique, absente ailleurs dans le pays, du fait même qu'y siègent le gouvernement et les institutions de l'Etat. Aussi, interdire les marches à Alger c'est interdire une forme d'expression politique, à laquelle aspiraient des milliers de citoyens à l'appel de la société civile et/ou de partis politiques. Un autre verrouillage a été évoqué par le chef de l'Etat, celui des médias lourds (radio et télévision) fermés à l'opposition et à la société civile d'une manière générale. Cette fermeture des médias à l'expression autre qu'officielle, a eu certes un impact négatif sur les libertés collectives et individuelles. C'est vraisemblablement avec à l'esprit ce qu'il y avait d'improductif dans ce procédé que le chef de l'Etat a souligné que «la télévision et la radio doivent donc assurer la couverture des activités de l'ensemble des partis et organisations nationales agréés et leur ouvrir équitablement leurs canaux». Il n'en reste pas moins que d'aucuns estiment qu'une véritable ouverture médiatique ne saurait faire l'économie de la création de radios et télévisions privées, alors que l'Algérie est aujourd'hui quasiment le seul pays au monde - du moins disposant des moyens qui sont les siens - qui continue à ne pas autoriser une telle évolution qualitative du champ médiatique national. Le dernier point abordé par le chef de l'Etat est celui inhérent aux dérapages, qu'il a d'ailleurs fortement regrettés, qui ont marqué les dernières émeutes qui se sont produites dans le pays dont la dernière en date a eu lieu au début de janvier à Alger. Là aussi, il fallait au moins qu'il y ait écoute de la part des gouvernants. Ce qui n'a pas été toujours évident, en sus du fait que des ministres ont échoué, ou montré leurs limites, dans les missions à eux confiées, incapables qu'ils ont été de répondre correctement aux doléances et sollicitations des citoyens. Cela étant, les mesures prises jeudi par le Conseil des ministres, outre un effet d'annonce, se présentent comme une tentative de désamorcer la colère qui gronde parmi la population. Seul l'avenir donnera les réponses appropriées à ces interrogations.