La France a-t-elle une politique sahraouie stable et sans équivoque? Les Sahraouis en doutent. Les déclarations de Dominique de Villepin sont «en contradiction» avec les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Ces propos émanent du chef de la diplomatie sahraoui, au lendemain de la publication, par certaines agences de presse, de déclarations prêtées au ministre des AE français sur la question sahraouie. Celui-ci, à la faveur d'une visite de deux jours au royaume du Maroc au cours de laquelle il a été reçu par le roi Mohammed VI, n'a pas manqué d'exprimer ce qu'il a appelé «la convergence de vues» sur plusieurs questions internationales entre la France et le Maroc ainsi que la volonté de son pays de développer ses relations avec Rabat. Et, si les positions diplomatiques du Quai d'Orsay relèvent de la souveraineté de la France de nouer et de développer ses relations avec n'importe quel autre Etat dans le monde suivant ses intérêts nationaux propres, ce que n'apprécient pas les Sahraouis, ce sont ces «interférences» ponctuelles de la diplomatie française sur un dossier toujours pendant devant les instances de l'ONU. Le Front Polisario a exprimé ainsi ce qu'il a appelé son «étonnement» après des déclarations attribuées à M.de Villepin et dans lesquelles il soutient le projet marocain dit «d'accord-cadre» sur l'avenir de ce territoire. Cette réaction, de M.Ould Salek, ministre des Affaires étrangères de la RASD rendue publique par l'agence de presse sahraouie (SPS), considère que la position du ministre français des Affaires étrangères est «en contradiction flagrante avec les résolutions et décisions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale de l'ONU». Il faut rappeler à ce sujet comme le fait le Front Polisario, que le Conseil de sécurité de l'ONU a, dans sa résolution 1429 du 30 juillet dernier, rejeté le projet d'accord- cadre et a renouvelé la validité du plan de paix et son attachement à une solution politique et diplomatique qui garantit le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. D'ailleurs, a rappelé le chef de la diplomatie sahraoui, pas plus tard qu'au début du mois dernier, l'Assemblée générale de l'ONU, a réaffirmé à l'unanimité, le droit inaliénable du peuple sahraoui à l'autodétermination et a demandé au secrétaire général de cette dernière, M.Kofi Annan, d'appliquer le plan de paix ONU-OUA sur le Sahara occidental. Alors quels sont les tenants et les aboutissants de ce qui s'apparente à un «revirement» français, si revirement il y a, sur ce dernier cas de décolonisation en Afrique? De l'avis de nombre d'observateurs et de spécialistes du dossier sahraoui, les nouvelles orientations de la diplomatie française au Maghreb et plus généralement dans la politique arabe de la France sont empreintes d'«incohérences» patentes pour ne pas dire de contradictions flagrantes. En effet, selon ces analystes, si Paris se fait actuellement remarquer par ses positions fort respectables en ce qui concerne l'Irak, objet de menaces d'attaque militaire américaines unilatérales, la France exigeant le strict respect de la légalité internationale avec passage obligé par l'ONU pour Washington, en revanche, il semble faire peu de cas de cette même légalité concernant la question du Sahara occidental, objet pourtant de toute une série de résolutions de l'institution onusienne. En fait, il faudra, peut-être, chercher ailleurs et notamment dans l'état de situation politique interne marocaine les explications de cette double facette de la diplomatie française. Soutenu et repêché à chaque crise par Paris, l'échafaudage politique marocain est aujourd'hui dans une situation politique intenable caractérisée par un enlisement sans fin dans l'occupation militaire du Sahara occidental, une ascension fulgurante de l'islamisme, une glaciation des rapports avec le grand voisin du Nord, l'Espagne, et le tout sur fond d'une situation sociale catastrophique sans précédent. L'incendie (ou selon certains une mutinerie) qui a fait, hier, au moins 49 morts et plus de 89 blessés dans une prison d'El-Jadida près de Rabat ( le deuxième du genre depuis août dernier) et que l'Observatoire marocain des prisons ( OMP indépendant) a qualifié de «scandale», est un indice révélateur de cette descente aux enfers d'une grande partie de la population marocaine qui ne semble attirer l'attention ni du makhzen, ni du gouvernement, ni encore moins celle du palais royal. Et dans ces conditions, les déclarations françaises sur la question sahraouie ne peuvent être que des «errements» qui ne pourraient être conformes au «rôle positif et équilibré» que la France entend jouer pour le règlement de cette question vieille de plus d'un quart de siècle.