L'assassinat a divisé le Liban en deux camps: la coalition du «14-Mars», soutenue par les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite derrière Saad Hariri, et le puissant mouvement chiite Hezbollah, appuyé par l'Iran et la Syrie. Six ans après l'assassinat de Rafic Hariri, son fils Saad, Premier ministre en exercice, devrait annoncer hier son passage à l'opposition, après que le Hezbollah a renversé son gouvernement il y a un mois après un bras de fer sur le tribunal de l'ONU chargé d'enquêter sur l'attentat. En début d'après-midi d'hier, Saad Hariri a versé quelques larmes en se recueillant sur la tombe de son père à 12h50 (10h50 GMT), l'heure exacte de l'attentat, alors que résonnaient des cloches d'églises et l'appel d'un muezzin. L'attaque à la camionnette piégée qui a tué Rafic Hariri et 22 autres personnes le 14 février 2005 dans le centre de Beyrouth avait provoqué des manifestations monstres appelant au retrait de la Syrie, pointée du doigt. Sous la pression internationale, Damas a dû retirer ses troupes du Liban, après 29 ans de tutelle militaire. Mais le sentiment d'euphorie n'a pas duré. L'assassinat a divisé le Liban en deux camps: la coalition du «14-Mars», soutenue par les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite derrière Saad Hariri, et le puissant mouvement chiite Hezbollah, appuyé par l'Iran et la Syrie. Le camp Hariri a remporté deux victoires électorales dans la foulée de l'attentat et Saad Hariri a été désigné en 2009 à la tête d'un gouvernement d'union. Cependant, il a «subi plusieurs revers depuis l'assassinat», estime Asaad Abou Khalil, professeur à la California State University. «Mais il serait trop tôt de déclarer sa mort parce que les facteurs qui ont donné vie au mouvement demeurent». Le Hezbollah, qui s'attend à être mis en cause par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), a tenté en vain pendant des mois de pousser Saad Hariri à désavouer cette instance créée en 2007 par l'ONU à la demande du Liban. Faute d'y parvenir, les ministres de son camp ont démissionné mi-janvier, entraînant la chute du gouvernement Hariri. Le ralliement de partisans du leader druze Walid Joumblatt a ensuite permis au camp du Hezbollah de devenir majoritaire au Parlement, et le milliardaire Najib Mikati, un proche du chef de l'Etat syrien, a été désigné Premier ministre. Il mène actuellement des consultations pour former son gouvernement. M.Hariri devrait annoncer hier dans un discours son passage «à l'opposition claire», a déclaré dimanche Farès Soueid, secrétaire général de sa coalition. Cette décision lui permettra d'avoir «une marge de liberté pour hausser le ton dans son discours politique et médiatique», estime Hilal Khachan, professeur de Sciences Politiques à l'Université américaine de Beyrouth (AUB). «Hariri n'est plus tenu, comme il l'était en tant que Premier ministre, de préserver le calme. Il s'est aussi libéré des pressions», ajoute-t-il. Son programme sera «la protection du TSL» et «le refus de toutes les armes illégales, y compris celles du Hezbollah», a précisé M.Soueid. Des observateurs craignent en effet que M.Mikati n'accepte, sous la pression, de mettre des bâtons dans les roues du TSL. «La rupture la plus profonde au cours de ces années a été la question du tribunal», estime le commentateur politique Nicholas Noe, auteur d'un livre sur le Hezbollah. «Les forces opposées au tribunal ont été capables, avec un certain succès, de miner sa crédibilité». M.Hariri lui-même, qui avait initialement pointé du doigt le dirigeant syrien Bachar al-Assad, s'est ensuite rendu à Damas à plusieurs reprises après sa désignation comme Premier ministre en 2009. Cette attitude lui a fait perdre des partisans, mais selon les experts, elle était inévitable pour assurer sa survie politique. «La Syrie a réussi à regagner beaucoup de son hégémonie sans avoir à déployer de troupes», estime M.Noe.