Le président afghan Hamid Karzaï a demandé hier à ses alliés de l'Otan de cesser toutes leurs opérations militaires dans le pays, lors d'un discours dans l'est du pays, où les soldats étrangers sont accusés d'avoir tué plusieurs dizaines de civils récemment. C'est la première fois que M.Karzaï, porté au pouvoir par l'Occident à la fin 2001 mais qui ne cesse de dénoncer les victimes civiles des bavures de la force de l'Otan, réclame une mesure aussi radicale à ses alliés. Cette déclaration du président afghan intervient deux jours après qu'un de ses proches a été tué par les forces internationales dans le bastion familial situé dans la province méridionale de Kandahar. M.Karzaï s'exprimait hier devant près de 500 chefs de tribus à Asadabad, capitale de Kunar, un bastion taliban frontalier du Pakistan où Kaboul accuse l'Otan d'avoir tué 74 civils ces dernières semaines. Dans l'assistance se trouvaient également des proches des victimes de ces bombardements. «A l'occasion de cette rencontre, je voudrais demander à l'Otan et aux Etats-Unis, avec honneur et humilité, et sans arrogance, de cesser complètement leurs opérations dans notre pays», a-t-il déclaré. «S'il s'agit d'une guerre contre le terrorisme international, ils devraient la mener dans les régions que nous avons montrées du doigt depuis neuf ans, et qu'ils connaissent eux-mêmes», a ajouté M.Karzaï. Le président afghan n'a cessé ces dernières années de demander aux forces internationales d'attaquer les bases arrière des rebelles talibans à l'étranger, notamment au Pakistan voisin, plutôt que dans les villages afghans. Devant l'assistance, M.Karzaï a pris dans ses bras une petite fille amputée de la jambe après un bombardement de l'Otan, et s'est mis à pleurer, avant de déclarer aux représentants de la force de l'Otan présents sur place: «Je veux que vous preniez des photos de cette petite fille et de ses blessures et que vous les montriez à vos autorités». «Nous sommes un peuple très tolérant, mais notre tolérance est à bout», a-t-il ajouté. «C'est un appel de la nation afghane. Nous voulons être amis avec l'Occident, mais il faut que notre honneur reste intact». «Nous remercions l'Occident et sommes contents de tout ce qu'ils ont fait pour nous. Nous ne nous plaignons pas si nous sommes tués par des terroristes, mais si nous le sommes par nos alliés, nous avons le droit de nous plaindre. Jusqu'à quand vais-je continuer à aller à des funérailles aux quatre coins de l'Afghanistan? Si les étrangers nous considèrent comme leurs amis, ils ne devraient pas tuer leurs amis», a-t-il conclu. Près de 140.000 soldats étrangers, aux deux tiers américains, sont déployés dans le pays pour soutenir le faible gouvernement de M.Karzai face à la rébellion des taliban. L'Otan a prévu de transférer aux forces afghanes la responsabilité de la sécurité de l'ensemble du pays d'ici la fin 2014.