La fièvre de la protestation estudiantine, qui s'est foncièrement répandue, risque de rendre invalide l'année pédagogique 2010/ 2011. A l'évidence, le spectre d'une année blanche, dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, se profile à l'horizon. Néanmoins, les premiers responsables du secteur, et à leur tête M.Rachid Harraoubia, se sont montrés hermétiques et profondément insoucieux et indifférents au sort réservé à 1,3 million d'étudiants environ. En outre, la sinistre image que reflètera l'Université algérienne au niveau régional et international ne semble pas gêner les pouvoirs publics. Au regard du caractère régulier des mouvements de grève observés à l'Université algérienne, tout porte à croire que le cycle des études pour 2010/ 2011 est menacé par le spectre de l'année blanche. Etudiants et enseignants ont déjà tiré la sonnette d'alarme. Des enseignants de l'université de Bab Ezzouar ont ainsi interpellé le 7 mars dernier la tutelle sur les répercussions négatives sur le plan des enseignements pour l'année en cours. Selon eux, tous les signes d'une année blanche sont présents, d'où des solutions et mesures concrètes et rapides qui doivent être arrêtées et appliquées. Des spécialistes se sont déjà posés la question de savoir si «l'année pédagogique serait valable?» sachant, à l'occasion, qu'à travers le territoire national, les universités et grandes écoles sont, depuis début février, en grève ouverte et caractérisées en plus par des mouvements de contestation, sans fin. En d'autres termes, la protestation est foncièrement répandue dans le secteur universitaire, mais des solutions tardent à venir. Peut-on valider l'année universitaire après plusieurs semaines de grève? Une question qu'il convient de se poser quant à la manière avec laquelle procèdera la tutelle pour récupérer et compenser plusieurs semaines d'études qui sont perdues. D'autres retards s'ensuivront. Le facteur temps est un élément plus que déterminant dans le cadre du nouveau système d'enseignement. En réponse à ces interrogations, M.Lakhdar Maouguel, cadre universitaire, est catégorique: «Les normes universelles en matière d'enseignement ne sont jamais respectées.» Selon lui «les cours à l'Université algérienne sont donnés de manière expéditive et assurés par des vacataires, qui ne répondent pas aux normes requises». Une récente étude place l'Université algérienne au niveau africain à la 39e place. Celle-ci est représentée par l'université de Tlemcen, suivie de celle de Batna à la 48e place. Et que peut-on dire de l'université de Bab Ezouar, classée 72e, alors qu'elle représentait, par le passé, le fleuron national du système universitaire, voire de l'Afrique. Que reste-t-il, donc, du niveau et de la qualité de l'université? C'est dire que le rêve de faire des études supérieures ne tarde pas à devenir un cauchemar. Selon une source proche du campus France, il est fait état d'une moyenne de 15.000 étudiants diplômés, qui s'inscrivent chaque année pour le test portant sur l'obtention d'une attestation de maîtrise de langue française pour pouvoir s'inscrire dans une université française. Une moyenne de 3500 à 4000 étudiants fraîchement diplômés, ajoute notre source, quitte le pays pour continuer leurs études en France. Ces derniers ne reviennent guère en Algérie, a conclu la même source, d'où d'ailleurs, prétexte-t-elle, le fait que les conditions de la délivrance d'un visa d'études se durcissent. Cet exode touche également le corps des doctorants. A cet effet, une autre source du département de M.Rachid Harraoubia a révélé qu'entre 2006 et 2009, il n'y a eu que 300 docteurs d'Etat qui ont pris le départ vers l'étranger. Une telle situation renseigne, aujourd'hui, sur la hausse du nombre des enseignants vacataires et fraîchement diplômés, qui sont chargés d'enseigner et d'encadrer les futurs cadres du pays. Cependant, du côté de la tutelle, il faut dire que l'évaluation de la qualité de l'enseignement se fait en termes de chiffres enregistrés, soit en nombre de diplômés. Plus grave encore, ce type de procédé ou d'évaluation intervient, il est utile de le souligner, à l'ère de la mondialisation où certains pays ont déjà tendance à créer des établissements- entreprise dans le secteur de l'enseignement. Pour y remédier cela implique un débat de fond réunissant les professionnels du secteur universitaire afin de sauver l'Université algérienne. Maouguel a indiqué qu'à l'heure actuelle, l'enseignement des langues dites scientifiques et la réadaptation des programmes pédagogiques, selon les nouvelles données du siècle, restent une priorité pour redonner à l'université sa dynamique sociale et sa vocation initiale. Car, a-t-il ajouté, la communauté universitaire est partie prenante de l'élite. Pour le sociologue, M.Hocine Abdelaoui, la question principale du secteur est, d'abord, de définir les objectifs généraux de l'enseignement. Et de soutenir que «pour réussir une réforme universitaire, il faut qu'il y ait au préalable un projet de société clair et soutenu par une volonté politique effective. Sinon, dans le cas contraire, on se retrouve dans une démarche obsolète qui ne tient pas compte de la qualité produite». Les étudiants de Constantine, d'Oran, d'Alger et de Béjaïa sont entrés en grève depuis février dernier. Cela fait près d'un mois et demi, sans compter le retard dans la reprise de l'année universitaire. Dans le système LMd, l'année ne peut être validée si un certain nombre d'heures ne sont pas effectivement suivies par l'étudiant. Ces carences explicitent pour une grande part les causes de l'échec du ministre dans sa stratégie de réforme et son incapacité à rendre à l'Université son rôle à même de lui permettre d'occuper la place qui lui sied dans la société, et devenir ainsi la locomotive du développement national.