Les poèmes de Mahmoud Darwich traduits en français par son ami Elias Sanbar, sont mis en musique et chantés avec audace et gravité. Donner à voir, à écouter, ressentir, bref à apprécier la poésie de Mahmoud Darwich sous une forme audacieuse et moderne telle est la gageure de la compagnie Brozzoni qui a offert dimanche denier au public du Centre culturel français un spectacle haut en couleur, en sonorités musicales et verbales. Son nom? «Quand m'embrasseras tu?». Les poèmes de Mahmoud Darwich traduits en français par son ami Elias Sanbar, sont mis en musique et chantés. Toute leur beauté est restituées de façon originale sur une musique tantôt grave tantôt rock et ska au moyen d'instruments divers comme le clavier, la Kalimba, l'accordéon, le def (tambour), le tar etc. «C'est le désir de faire chanter la langue des hommes» qui est dévoilé ici, à l'occasion de la Journée internationale de la francophonie. C'est aussi le devoir de revisiter un poète universel, son message mais surtout la force poétique de son verbe. «La poésie, ce jeu dangereux!» entendons-nous. L'orateur, acteur, danseur et tout à la fois est un enfant issu de l'immigration. Un Algérien qui confiera se sentir proche de Darwich à cause de ce sentiment d'exil partagé. Mais encore, pour l'universalité finalement, de ce poète de génie qu'on ne peut cantonner simplement au discours politique. Même si ce fut son combat des plus nobles. En ce mois de mars qui l'a vu naître, une halte en sa mémoire s'imposait de facto. Un mois de mars sanglant qui a vu encore la violence de l'armée israélienne s'abattre sur les Palestiniens un certain 16 mars 2010. Aussi, l'ambassade de Palestine à Alger a célébré, jeudi dernier, le double anniversaire de la culture nationale palestinienne et de la naissance du poète de la Révolution palestinienne Mahmoud Darwich né le 14 mars 1941 et décédé le 9 août 2008. Mahmoud Darwich était l'un des plus grands poètes contemporains en langue arabe dont le nom est associé à la révolution et à la patrie. Il est le rédacteur du document de la Déclaration de l'indépendance de la Palestine, proclamé, à Alger. Darwich était membre de l'Assemblée nationale palestinienne dont il s'est retiré après la conclusion de l'accord d'Oslo entre Israël et l'OLP en 1992. Il publia son dernier poème en juin 2008 dénonçant les tueries interpalestiniennes. Le travail de la compagnie Brozzoni s'est attaché à faire rayonner sa poésie, son combat et sa lutte pour la liberté et la paix. «les mots parlent, je suis l'enfant du littoral syrien, je ne connais pas le désert...» L'errance au bout de la plume est suggérée, mieux, acérée et soulignée. «Suis-je là-bas, suis-je là. Je ne reviendrai pas même furtivement..» Le Canari scande son émotion planante et son vertige de liberté perdue. L'artiste nous fait immerger dans sa transe. Apres l'instant solennel du début du spectacle, l'ambiance se déride et fête les mots... «Si le canari ne chante pas pour toi, sache que tu as dormi trop longtemps», entonne le musicien éveilleur des consciences. Le chanteur évoque aussi «l'Ennemie» mais aussi l'incandescente complicité des dirigeants de ce monde, l'Amérique, un mégaphone à la main! L'acculturation des Palestiniens est mise en exergue, le droit à la vie aussi, Ghaza dont la chair explose depuis 40 ans, un rêve fissuré. Et puis cette interjection qui sonne comme un appel au rassemblement: «Nous sortirons!» Scandé avec force et sensation tenant en haleine le souffle du public. La patrie adossée à la solitude se conjugue au verbe aimer. «La patrie est là où je bois le café de ma mère»...Un travail titanesque a été abattu sur scène. Cela paraît simple et pourtant! 19 volumes de poésie de Darwich ont été lus desquels ont été extraits ces poèmes composant ce spectacle. Un hommage appuyé à l'écriture de Darwich, revisitée et déclinée à travers ses différentes époques. «On a souhaité décontextualiser Darwich car c'est avant tout un poète universel d'où le choix de cette mise en scène et la musique.» Et de souligner: «Même son verbe se rattache avant tout à la cause palestinienne, ce qu'il faut retenir est aussi la beauté du verbe quand il s'adresse à Ghaza comme une femme. La poésie est dans le verbe quel que soit ce qui l'a nourrie». Impressionnant et majestueux, ce spectacle après avoir été présenté à Alger, dimanche et puis à Oran, hier, il sera joué, aujourd'hui à Tlemcen. La cerise sur le gâteau est le Festival d'Avignon, cet été, où la compagnie ira porter haut et fort les couleurs de la cause palestinienne.