Réputée pour son soutien et son accompagnement sans condition de toutes les corporations et de toutes les franges de la société qui se mettent en mouvement, la corporation de la presse aspire à présent à prendre son destin en main. Des journalistes, tous secteurs confondus, profitent de la conjoncture actuelle pour se concerter et s'organiser dans la perspective d'offrir à la profession des lendemains meilleurs que ceux qui lui ont été réservés, notamment depuis le semblant d'ouverture démocratique post-Octobre 1988. Cette corporation, dont les conditions socioprofessionnelles devraient être à la hauteur de sa mission première qui est celle d'informer (porte-parole de la société toute entière), s'est découvert un autre destin. Car aujourd'hui, n'en déplaise à ceux qui veulent préserver le statu quo et à ceux que la situation arrange, la corporation des journalistes compte parmi celles les plus désorganisées et les plus délaissées du pays. Si, depuis les émeutes de janvier 2011 et les extensions qui ont suivi depuis, plusieurs corporation ont contesté l'ordre établi et ont arraché plusieurs acquis, pour les journalistes, il n'en est rien. Ces derniers, mal logis, mal nourris, sous-payés et occupés à défendre les causes des autres, à force de les médiatiser, se sont oubliés...jusqu'à ce que la magnitude de leur situation anarchique ait atteint l'impact d'un séisme. Ils tentent actuellement, de rendre à la profession sa dignité en créant de nouvelles organisations pour remettre de l'ordre dans la maison. Un syndicat fort, un statut digne avec des textes d'application pour qu'il ne soit pas vidé de sa substance, la réactivation du Conseil supérieur à l'information, la relance du Conseil de l'éthique et de la déontologie, la dépénalisation du délit de presse, l'application de la loi sur l'information d'avril 1990 sont, entre autres, les revendications politico-professionnelles des hommes des médias. Un salaire respectable et un logement décent sont les priorités des doléances sociales de la corporation. Pour se faire valoir, l'Initiative pour la dignité du journaliste, créée récemment, a élaboré une plate-forme de 12 revendications, transmise la semaine derniére à la présidence de la République, le Premier ministère et le ministère de la Communication. Cette Initiative, qui a tenu déjà trois rassemblements au niveau de la maison de la presse Tahar-Djaout, à Alger a décidé d'une grève nationale le 3 mai prochain accompagnée d'un sit-in au niveau de la place de la Liberté de la presse. Un quatrième rassemblement est prévu pour ce mardi. Le Réseau amical des journalistes algériens (Raja) est une autre organisation née dans la foulée de la récente conjoncture sociale pour demander l'amélioration des conditions socioprofessionnelles des journalistes. Ce réseau propose la création d'une maison des journalistes et d'un nouveau syndicat pour encadrer la profession. Cette proposition a irrité le secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ) qui a vite réagi en acceptant d'être «auditionné» il y a quelques jours sur Facebook par les initiateurs du Raja. Les discussions ont porté essentiellement sur le statut du journaliste adopté en 2008 et qui ne vaut rien en l'absence, à ce jour, de textes d'application. Pour les membres du Raja, ni le SNJ, ni la Fédération nationale des journalistes algériens (Fnja) affiliée à l'Ugta, ne sont représentatifs de la presse. Le SNJ, faut-il le rappeler, n'a pas réuni son conseil national depuis 2003, et la Fnja, créée il y a environ 18 mois, traverse une crise aiguë. Son secrétaire général est controversé et sa démission est attendue pour les prochains jours. Toutefois, les initiatives pour remettre sur rails la profession ne datent pas d'aujourd'hui. Plusieurs tentatives ont été faites par le passé. On cite le Réseau indépendant des journalistes algériens (Rijal), qui a été lancé il y a plus d'une année par une vingtaine de journalistes, au lendemain du licenciement d'une journaliste d'un quotidien appartenant à un membre du bureau politique du FLN. Ce réseau n'a pas eu la vie longue, dès lors que sa première réunion tenue à l'intérieur de l'APC d'Alger-Centre était également la dernière, sans que personne n'en sache vraiment la raison. Cela dit, l'entreprise lancée par tous ces journalistes doit aller au bout de sa logique même si la tâche est beaucoup plus compliquée qu'on le pense. Cela y va de l'avenir de la corporation.