Chaque ruelle de chaque quartier populaire est gouvernée par un seigneur au casier judiciaire fourni. On ne peut plus traverser les rues d'une dizaine de quartiers d'Oran sans courir le risque d'être menacé par une arme blanche ou à l'aide de la bombe anti-agression pulvérisée en plein visage. La criminalité a atteint un point de non-retour, a regretté le noctambule Rabah Lamiri appelant au renforcement de la présence des services de sécurité dans les quartiers connus pour être les foyers de criminalité par excellence comme Mirocheaux, Saint-Pierre, Cavaignac, Derb, Saint-Antoine, Sidi El Houari, El Barki et les Amandiers. La Bastille quant à elle, constitue encore cette citadelle inexpugnable, notamment la nuit vu ses rues surveillées par des «anges gardiens et les seigneurs des quartiers». En dépit des différents plans de sécurité mis en place et le déploiement perceptible des policiers un peu partout dans les grandes artères de la ville, son centre, tant vanté, relève désormais de l'histoire ancienne tandis que plusieurs de ses communes limitrophes sont, tout aussi, infestées par cette déferlante criminalité. El Bahia n'est plus cette belle carte postale aux couleurs chatoyantes d'antan à travers laquelle le badaud peut flâner en toute quiétude. Son centre-ville, notamment ses quartiers populaires, est en passe de devenir une grande cité caractérisée par une insécurité inquiétante. Les populations ont peur tandis que la criminalité prend des allures phénoménales. Des gens spécialisés dans le pickpocket, vols à la tire, agressions sous la menace d'armes blanches continuent d'alimenter les pages de la presse nationale et régionale ainsi que les débats de la scène locale. «Comme dans les films de samouraïs, chaque ruelle de chaque quartier populaire est gouvernée par un seigneur au casier judiciaire bien rempli!», dénonce-t-on d'un ton amer avant d'ajouter qu'«un véritable couvre-feu est imposé dès les premières heures qui suivent le crépuscule. Toute personne qui ose braver le diktat des drogués et toxicomanes, paie cher l'addition. Les exemples sont légion. Le quartier populaire de Derb a, dans un passé récent, connu un drame spectaculaire: une jeune fille a été retrouvée sans vie dans son domicile, complètement défigurée. Pour les besoins de l'enquête, le corps de la malheureuse a été transporté à la morgue de l'hôpital en vue d'élucider ce crime, d'une autre nature, qui vient prolonger le désarroi des habitants dudit quartier. Un autre crime a eu lieu la semaine dernière dans le quartier des Amandiers. A Haï Sabah (Usto), on continue à s'interroger sur les nouveaux éléments de l'affaire de l'homme qui a été tué et dont le corps a été jeté dans un puits appartenant au chantier abandonné du Palais des congrès. Ce chantier, qui a été dénoncé par les hautes hiérarchies publiques, continue d'abriter toutes les turpitudes dont la consommation de drogue, psychotropes, d'alcool et même la prostitution. A Sidi El Bachir et Haï Bendaoud, dans la commune de Bir El Djir, la bataille contre la criminalité est loin d'être gagnée. Les chiffres sont effarants tandis que les affaires de droit commun, qui ont été traitées, sont tout aussi ahurissantes. En 2010, le groupement de la Gendarmerie nationale d'Oran a enregistré près de 560 délits commis contre les biens et près de 1500 autres cas contre les personnes. La même institution a procédé à l'arrestation de plus de 2300 personnes dont près de 1000 individus placés sous mandat de dépôt. Dans toutes ces affaires traitées, les jeunes âgés de 18 à 28 ans (hommes et femmes), représentent un taux de près de 62% des arrestations et la majeure partie (59,91%) est constituée de chômeurs. Ceux âgés de 29 à 40 ans sont estimés à près de 25%. Bien que le nombre d'affaires traitées en 2010 soit en nette régression, comparativement aux bilans de 2009, il est tout de même important de souligner que les délits commis contre les personnes (1472 cas), les biens (672 cas), et la sécurité publique (61 cas) se taillent la part du lion des bilans fournis par le groupement de la Gendarmerie d'Oran. La peur stressante s'est, définitivement, emparée des Oranais. Une question est en droit d'être posée: «Quand la ville d'Oran retrouvera-t-elle sa vocation d'antan? Il est difficile de se prononcer sur une telle réflexion tant le chômage, la crise du logement et l'indigence se sont perpétués», a expliqué un sociologue.