son régime connaît sa première crise. La ville Maan, de 70.000 habitants et située à 215 kilomètres au sud d'Amman, est entièrement coupée du monde. Le gouvernement a décidé d'arrêter des hommes armés qui auraient été repérés dans cette ville. Il s'agit de Mohamed Chalabi, alias Abou Seif, et quatre autres qu'on dit affiliés au groupe Hidjra oua Takfir. Alors qu'une seconde version les range dans la catégorie des «Frères musulmans». L'armée a envahi la ville avec blindés et armes lourdes, mais les habitants ont refusé de les laisser faire. Ils ont donc organisé spontanément des manifestations de protestation qui se sont soldées par des morts dans les deux camps. Le ministre jordanien fait état d'un seul mort, un policier, et des blessés. Mais d'autres sources proches de l'opposition font état de quatre morts et d'arrestations. Le ministre a indiqué que l'embargo ne sera levé qu'après l'arrestation des «hors-la-loi». Depuis dimanche, Maan se trouve dans une situation apocalyptique. Mise sous couvre-feu, avec le téléphone et l'électricité coupés, la population vit l'affrontement avec l'armée royale loin des projecteurs. Cette situation de huis clos est justifiée par l'arrestation du journaliste Yasser Abou Halal d'Al Jazeera par la police politique et qui a été conduit vers une destination inconnue sous escorte de véhicules militaires, selon les déclarations de l'épouse du journaliste en question. La principale force de l'opposition, le Front islamique des travailleurs (FTI), de tendance islamiste proche des «Frères musulmans», a dénoncé l'action du gouvernement. Il a demandé la levée du couvre-feu et invité le gouvernement à s'éloigner de la solution sécuritaire. Comme il a estimé, par le biais d'un communiqué rendu public hier, que l'arrestation d'individus recherchés ne justifie pas cette armada dans la ville de Maan. De son côté, le bâtonnier de Jordanie considère qu'il y a des moyens légaux pour arrêter des recherchés sans recourir à la force. Ces troubles interviennent dans une conjoncture particulière, marquée par la situation dramatique en Palestine, les ripostes éparses dans différentes régions du monde contre les intérêts américains et qui risquent de s'accentuer en cas d'attaque contre l'Irak. Le régime jordanien a pris les devants en cherchant à neutraliser ses opposants qui disposeraient d'armes. Mais la population a réagi parce que ceux que les autorités viennent arrêter sont de leur tribu. Ainsi, le roi Abdallah II connaît sa première épreuve depuis qu'il s'est installé sur le trône hachémite. Ces émeutes ressemblent à s'y méprendre aux événements qu'a vécus l'Algérie en 1988.