Sur le terrain, les experts de l'ONU approfondissent leurs inspections, alors qu'à Londres, l'opposition tient son congrès. L'Irak fait toujours l'actualité internationale, sans pour autant qu'il y ait quoi que ce soit de nouveau étayant les accusations américaines, ou, à contrario, accréditant les affirmations irakiennes de ne plus disposer d'armes interdites. Les experts de l'ONU poursuivent donc leur travail dans un mutisme total ne donnant d'ouverture ni pour les uns ni pour les autres. Un travail qui s'effectue du reste sans accroc remettant en cause le processus en cours. Certes, ici et là, de petites frictions, ou incidents, comme celui de vendredi dernier, jour férié en Irak, lorsque les inspecteurs, voulant visiter le laboratoire d'un hôpital de Bagdad, ont trouvé les portes fermées. Incident rapidement aplani par le général Hossam Mohammed Amine, chef de la commission de contrôle irakienne, pendant de la Cocovinu onusienne. Toutefois, bien que tout semble se dérouler dans des conditions acceptables, sinon favorables, en Irak, dans les coulisses de l'ONU les spéculations vont bon train. D'autant plus, que les uns et les autres des membres permanents du Conseil de sécurité, commencent à dire leurs sentiments sur le document dont ils ont reçu une copie. Ainsi, pour certains de ses membres l'étendue du programme - d'armes prohibées - irakien semble avoir été une surprise, au point que Paris n'hésite pas à recommander le retrait «d'éléments de la déclaration dont la divulgation serait contraire au traité de non-prolifération (...)». S'appuyant sur des sources des services de renseignement américains, le New York Time, dans son édition électronique d'hier, affirme que la déclaration ne serait qu'un recyclage de celle de 1998, donc, selon lui, n'apporterait rien de nouveau. De son côté, Mohammed El Baradei, directeur de l'Aiea, a indiqué que «La partie neuve représente 300 pages en arabe et couvre les activités de 1991 à 2002». Quoique Bagdad ne cesse d'affirmer que sa déclaration est «exacte et complète» comme vient de la réitérer le général Mohammed Amine, les Américains n'en affichent pas moins leur scepticisme poursuivant à grand renfort médiatique leurs préparatifs de guerre contre l'Irak. Le président Bush qui entend toujours désarmer Saddam Hussein a déclaré à la chaîne de télévision ABC «Nous allons examiner le rapport qu'il (Cf. Saddam Hussein) a remis et l'analyser entièrement et nous ferons des commentaires le moment venu pour dire ce que nous y avons trouvé». L'Union européenne qui a tenu (jeudi et vendredi) son sommet à Copenhague a, dans le communiqué final affirmé qu'elle «(...) a pleinement confiance dans leurs compétences (des inspecteurs de l'ONU) pour mener à bien leur tâche extrêmement importante sans ingérence extérieure et en utilisant l'ensembles des moyens dont ils disposent». L'un de ces moyens semble être les scientifiques irakiens (ayant travaillé ou collaboré au programme d'armement de l'Irak) dont le chef de la mission de l'ONU, Hans Blix, réclame la liste totale, en vue d'être entendus, comme le lui permet la résolution 1441, laquelle autorise aussi les inspecteurs, en cas de nécessité, de sortir d'Irak ces scientifiques pour réaliser cet objectif et «pouvoir les interroger». Dans une déclaration à la presse, le porte-parole de la mission de l'ONU en Irak, Hiro Ueki, a indiqué que «M.Blix a écrit une lettre, jeudi, à l'ambassadeur d'Irak à l'Onu, Mohammed Al Douri, pour demander une liste des scientifiques irakiens impliqués dans les programmes relatifs aux armes de destruction massive». Au moment où la ronde des spéculations se poursuit dans les couloirs de l'ONU, à Londres, «l'opposition» irakienne prépare «l'après-Saddam Hussein» en organisant son congrès. Celui-ci a été ouvert, hier, dans un hôtel de la capitale britannique, en présence de quelque 300 délégués représentants une demi-douzaine de formations, dont les plus connues, sans doute les plus représentatives aussi sont encore les deux partis kurdes du PDK de Massoud Barzani et l'UPK de Jalal Talabani. Il y a également le CNI (Congrès national irakien) d'Ahmed Chalabi, une formation totalement inféodée aux Américains, les chiites de l'ASRII (assemblée suprême de la Révolution islamique en Irak), proche de Téhéran, et quelques autres mouvements dont celui, monarchiste, de Chérif Ben Ali Al Hussein, cousin de l'ex-roi Fayçal d'Irak, et rescapé de la dynastie Hachémite, qui entend restaurer la monarchie à Bagdad. Cependant ce congrès, qui fut plusieurs fois annulé, et lequel faillit ne jamais se tenir, a pu se réunir grâce aux efforts des Etats-Unis, qui tiennent à avoir, en réserve, un gouvernement de «couleur locale» prêt à l'emploi en cas de chute de Saddam Hussein. Pour ce faire, les Américains n'ont pas lésiné sur les moyens, le président Bush débloquant 92 millions de dollars destinés à l'opposition. Celle-ci, totalement prise en charge par le conseiller du président américain, Zalmay Khalilzad, chargé de coordonner l'opposition irakienne, se doit donc de trouver le consensus dans ses rangs pour complaire aux exigences américaines. C'est d'ailleurs M.Khalilzad qui conduit la délégation américaine aux travaux de ce congrès dont, à l'évidence, Washington en attend des retombées pour le futur.