Diplomates et dignitaires du monde ne cessent de défiler à la Maison-Blanche, qui pour apporter son soutien aux Etats-Unis, qui pour préparer avec eux la riposte contre les bastions du terrorisme. George W.Bush, dans un discours, jeudi, devant le Congrès réuni en session extraordinaire, confirmera sa détermination à combattre le terrorisme là - et partout - où il se trouve, lançant un ultimatum aux taliban pour qu'ils livrent aux autorités des Etats-Unis, «tous les dirigeants d'Al Qaîda qui se cachent sur votre terre» avec à leur tête le responsable présumé des attentats anti-américains Oussama Ben Laden. La «livraison» de ces terroristes est, selon le président américain, «ni négociable ni ouverte à la discussion», appelant les taliban à «agir et à agir immédiatement» avertissant: «Ils livrent les terroristes ou bien ils partagent leur sort», affirman : «Ceux qui ne sont pas avec nous (les USA) sont avec les terroristes.» C'est sur ce fond de détermination américaine à frapper les terroristes, que la diplomatie tente de trouver sa place, aussi bien dans la perspective d'agir avec fermeté, que de le faire avec raison, loin de tout amalgame réducteur, offensant ou dangereux. C'est ainsi que le ministre allemand des Affaires étrangères, Joshka Fischer, prévoit «une riposte américaine forte, mais très raisonnable», alléguant: «Nous devons comprendre que les Etats-Unis réagissent.» A Washington, les Américains, ajoute-t-il, «m'ont donné l'impression qu'ils réagissent de manière très réfléchie, forte, mais très réfléchie». De fait, l'Union européenne se trouve en flèche dans son soutien aux USA ne marchandant ni son aide ni sa solidarité. Le Premier ministre britannique, Tony Blair, semble exprimer l'opinion européenne lorsqu'il déclare depuis Washington, où il a eu des entretiens avec le président Bush, «Nous nous tenons à vos côtés sans hésitation, c'est une lutte qui nous concerne tous, et (qui concerne) l'ensemble du monde démocratique civilisé et libre». Dans le ballet diplomatique dont Washington est ainsi le théâtre, l'Occident, qui n'a rien entrepris ces dernières années pour juguler les ramifications terroristes - dont nombre d'organisations de sa nébuleuse siègent en toute quiétude dans maints pays européens - s'est, encore une fois, donné le beau rôle. Certes, les Européens, choqués par ce qui s'est passé aux USA, ont accusé le coup et donnent l'impression de seulement ouvrir les yeux sur la dangerosité d'un terrorisme qu'ils n'ont pas hésité à accueillir, voire parfois, à protéger. Aujourd'hui, de tous les côtés on découvre que le terrorisme n'a pu prospérer et progresser sans une aide souterraine ou avérée, et au laxisme de certains pays occidentaux. Cependant, si les déclarations au ton guerrier ont tendance à prendre le pas sur la diplomatie, subsistent néanmoins, ici et là, des tentatives, comme celle du président français, Jacques Chirac, qui, tout en restant ferme sur le principe (de la riposte internationale contre le terrorisme), veut aussi raison garder, en entrant en contact avec nombre de ses pairs, comme le président chinois Jiang Zemin, l'Egyptien Hosni Moubarak, le roi de Jordanie Abdallah II (qui assure la présidence tournante de la Ligue arabe) ou encore le Premier ministre japonais Jinichiro Koïzumi (ce dernier devant rencontrer George W.Bush mardi prochain) avec lesquels il échangea des points de vue. Car, effectivement, il y a risque de dérapage lorsque le Premier ministre britannique va jusqu'à évoquer «une lutte qui nous concerne tous (...) l'ensemble du monde démocratique civilisé et libre» Qu'est-ce à dire? Voici en tout état de cause une interprétation qui peut prêter à équivoque si elle n'est pas immédiatement rééquilibrée et explicitée. Ces déclarations guerrières des Occidentaux n'ont pas laissé insensible le monde arabe et musulman qui a réagi fermement essayant de remettre les choses à l'endroit à savoir la destruction du terrorisme international où qu'il se trouve, y compris dans les pays occidentaux. C'est dans cette perspective que la Ligue arabe par la voix de son secrétaire général, Amr Moussa, met en garde contre «un choc des civilisations» lorsque M.Moussa relève que «certains des leaders du nouvel ordre mondial se sont lancés à la recherche d'un ennemi à viser. Il s'agit d'une erreur stratégique, surtout s'ils sont influencés par les groupes suspects et des objectifs qui veulent à tout prix que l'ennemi soit l'Islam, les musulmans, les Arabes et ceux qui les soutiennent». Lui faisant écho, le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud Al Fayçal, de Washington où il a rencontré le président américain, a, lui aussi, mis en garde contre «les risques d'élargir le fossé entre l'Occident et l'Islam (...)» insistant: «Il faudra des efforts persistants pour détruire l'infrastructure dont bénéficient les terroristes», mais, ajoute-t-il, il faudra aussi «prendre soin de ne pas faire leur jeu» en creusant un fossé «infranchissable entre le monde occidental et le monde islamique».