Au plus fort de la violence armée, Liamine Zeroual avait essayé de nouer des contacts avec le GIA. Deux sources sont venues réconforter l'idée qu'il y a eu des contacts ininterrompus entre les autorités algériennes et la direction du GIA depuis 1993. A partir des contreforts de Médéa, Ali Benhadjar, ex-émir national de la Ligue islamique de daâwa et du djihad (Lidd), organisation armée séparatiste d'avec le GIA, donne sa version des faits. Selon lui, c'est un certain «ammi l'Hocine» qui s'est chargé de faire l'intermédiaire entre Zeroual, alors ministre de la Défense, et Sid Ahmed Mourad, «Djaâfar El-Afghani» émir du GIA à l'époque. Etant donné que ce dernier séjournait chez les katibat de Médéa, dite la «katiba essalafiya» (qui deviendra, en 1995, «katibat el wafa») dirigée par Sayah Attiya, dit «El Khan» ou encore «cheikh Younès», c'est Ali Benhadjar lui-même, ex-enseignant et réputé être bon rédacteur, qui est chargé de répondre à Zeroual, toujours par l'entremise du même émissaire. La réponse exprimée par la direction du GIA alors n'excluait pas l'idée d'un règlement entre les autorités et les groupes armés, mais conditionnait tout compromis par le préalable de l'élargissement des deux chouyoukh du FIS emprisonnés, Ali Benhadj et Abassi Madani. Une autre version des faits relatée par un repenti, proche compagnon de Layada dès 1992 et qui a longtemps activé avec le groupe de Baraki (Zekkioui, Madi, Djennadi, etc.) et celui de Birkhadem (Gousmi, Zitouni, Bestani, etc.), raconte: «Dès que Djaâfar est revenu de Médéa, il nous avait parlé d'un contact que les autorités militaires (il cite des proches collaborateurs de Lamari, ndlr) avaient établi avec lui. La plupart des hommes présents ce jour-là n'ont pas été ravis par la nouvelle et ont commencé à ‘‘jaser''. Les uns lui reprochaient d'être allé se compromettre avec le groupe de Médéa, proche des djazaâristes et connu pour ses positions ‘‘réconciliatrices''. Les autres lui faisaient entendre que cela peut être un guet-apens, un stratagème ‘‘destiné à décapiter la direction du GIA, la ruse étant de rigueur en temps de guerre''. Comment les choses ont-elles évolué par la suite? Notre interlocuteur ajoute: «C'est Chérif Gousmi, Abou Abdallah, qui a tranché la question. A l'époque (fin 1993), il était le ‘‘dhabit char'i'' du GIA (sorte d'officier juridique, ndlr) et jouissait d'un certain crédit auprès de Djaâfer. Gousmi avait fini par convaincre l'émir national que le procédé pouvait constituer une ruse, et que de toute façon, les militaires n'étaient pas habilités à mener à terme des questions d'ordre politique, et que si on devait passer par des négociations directes, autant alors les mener avec les autorités politiques (représentées alors par le HCE).» En fait, depuis qu'un avis de recherche avait été lancé contre lui au début de l'année 1992, Chérif Gousmi se gardait de tout contact avec les services de sécurité et les militaires. Cela peut expliquer, en partie, son refus de tout rapprochement avec les autorités, et son esprit soupçonneux qui a fait se radicaliser le GIA après la mort, en février 1994, de Djaâfer El-Afghani. C'est lui qui a, le premier, exigé que lui soit faite une «allégeance théologique légale» («moubayaâ char'ia»), en mai 1994, pour, ensuite, lancer sa fameuse formule aux trois «non», qui a fait école après lui, et qu'on retrouve dans le dernier communiqué du GIA, signé par Rachid Abou Tourab, le 14 février 2002 : «Ni trêve, ni dialogue, ni réconciliation» («lâ houdna, lâ hiwar, lâ mouçalaha»). Ces nouvelles révélations viennent éclairer d'un jour nouveau l'obscure et controversée histoire des groupes armés en Algérie. Longtemps soumise aux plus rigoureuses retentions, l'information sécuritaire connaît une certaine «flexion» depuis que l'autorité militaire a décidé de multiplier les cellules de communication, que ce soit au niveau des régions militaires, ou dans le bunker même des Tagarins.