Paix sociale et revendications des travailleurs vont-elles de pair? La question demeure d'actualité. Ayant fait ses armes pendant des années au secrétariat national chargé des conflits sociaux, Abdelmadjid Sidi Saïd a acquis les vrais outils du combat syndical même si la conjoncture passée et actuelle n'a pas toujours été une sinécure. Il a d'ailleurs pris les rênes de l'Ugta dans l'une des heures les plus sombres de l'Algérie puisqu'il a succédé au valeureux Abdelhak Benhamouda, assassiné par les terroristes au milieu des années 1990. Auparavant, les deux hommes, et des millions d'autres syndicalistes, ont dû combattre avec acharnement le Syndicat islamique du travail. L'Ugta a ainsi contribué à sauver l'Algérie républicaine. Cela n'est que l'expression de l'héritage de Aïssat Idir dont l'action a été d'une importance capitale dans la mobilisation des travailleurs en faveur de l'indépendance du pays. En cela, il y a similitude avec le combat des autres syndicalistes maghrébins à l'image de Ferhat Hached en Tunisie. Une empreinte nationaliste dont l'Ugta ne s'est jamais départie. Et ce n'est pas sans conséquence sur son combat en faveur des travailleurs après l'indépendance. L'Ugta est créée pour contribuer à la libération du pays, non pour sombrer dans des revendications interminables, avait dit, depuis des années, Ahmed Ouyahia, lors d'une de ses rencontres avec le secrétaire général de la Centrale syndicale. Parfois, cette proximité avec le gouvernement lui attire les foudres des autres syndicats. Mais la méthode douce et tranquille de l'Ugta est celle qui a toujours été privilégiée par le secrétariat national. Non qu'elle s'est abstenue de rassembler les foules dans les rues d'Alger à certains moments de l'histoire du pays mais elle estime qu'il est inutile, voire dangereux de jeter de l'huile sur le feu. D'abord négocier, puis négocier et enfin négocier. Voilà le credo de Sidi Saïd. Il aura l'occasion de faire valoir ses talents en la matière lors de la tripartite qui s'annonce cette semaine et celle de l'automne prochain. Le Salaire national minimum garanti a été augmenté à plusieurs reprises pour tenter d'améliorer le pouvoir d'achat du travailleur. Mais tous ces acquis ne mettent pas le syndicat à l'abri de nombreux défis. L'inflation guette la bourse des ouvriers mettant à mal ce même pouvoir d'achat. Des voix s'élèvent partout pour créer des syndicats affranchis de la tutelle de la Centrale. Sidi Saïd n'avance pas sur un tapis de velours. Lors des précédents congrès, des candidatures d'autres militants syndicalistes ont même été avancées pour lui succéder à la tête de l'organisation. Jusqu'à aujourd'hui, ces ambitions ne sont pas tues. Les griefs sont anciens. Pourquoi l'Ugta a-t-elle accompagné le plan d'ajustement structurel du FMI au lieu de le combattre? Pourquoi n'a-t-elle rien initié pour être à la page avec le printemps arabe? Serait-elle à l'origine du refus d'admission d'autres syndicats à la tripartite? En somme, pourquoi s'est-elle rangée du côté du parti de la stabilité? «Puis-je faire autrement?» peut-il répondre. D'ailleurs, le patronat n'a-t-il pas souscrit au pacte économique et social justement pour maintenir cette stabilité? Est-ce suffisant pour rallier l'opinion des syndicalistes en sa faveur? Ils font valoir l'argument selon lequel les travailleurs ne constituent pas une menace pour qu'on utilise le vocable de paix sociale lorsqu'on aborde les problématiques du monde du travail. Menace ou pas, les travailleurs ne feront que gagner en efficacité dans leur action dans l'union. Même en Allemagne, il n'y a qu'une centrale syndicale. Lorsque les syndicats reprochent à Sidi Saïd de ne pas adhérer à leurs actions lorsqu'ils ne lui reprochent pas de les contrecarrer, il leur répond qu'il a donné lui-même son accord pour le pluralisme syndical en 1990. Lorsqu'on sait que six syndicats patronaux vont s'asseoir à la table des négociations avec Ouyahia et Sidi Saïd, il est temps de penser à une trêve syndicale et non seulement à une paix sociale. C'est un moyen de rechercher davantage de mesures visant «à préserver l'économie nationale de tous les prédateurs», comme l'a souligné l'Ugta dans une déclaration rendue publique pour donner son avis sur les dernières mesures annoncées par le Président de la République, lors du Conseil, des ministres de ce mois. A cette occasion, elle a réaffirmé son soutien à la lutte «sans merci contre toutes les formes de corruption et de dilapidation des biens publics». La déclaration a réaffirmé que «la direction nationale de l'Ugta salue également les orientations données pour un service public performant ainsi que les instructions à tous les responsables, tenus de veiller à améliorer le dialogue social avec les citoyens».