La projection de jeudi marquait, jour pour jour, l'anniversaire de son assassinat le 26 mai 1993. «Un poète peut-il mourir?», un hommage au défunt écrivain-journaliste Tahar Djaout, a été projeté jeudi soir en avant-première au Centre culturel algérien (CCA) en présence du réalisateur, Abderrezak Aït Larbi. D'une durée initiale de 80 minutes, l'oeuvre projetée a été réduite à 52 minutes pour des raisons techniques. Elle retrace le cheminement, à la fois bouleversant et bouleversé, de celui qui fut la première victime intellectuelle du terrorisme en Algérie, il y a 18 ans. La projection de jeudi marquait, jour pour jour, l'anniversaire de son assassinat le 26 mai 1993. Depuis son enfance dans son village natal d'Oulkhou, à Azzefoun (Tizi Ouzou), jusqu'au summum de sa carrière intellectuelle lorsqu'il fut admis dans la cour des grands des éditions Le Seuil à l'âge de 33 ans, le portrait de feu Djaout est dépeint autant par ses proches que par des critiques littéraires et journalistiques, nationaux et étrangers. Le romancier Tahar Bendjelloun évoque, en décortiquant les premiers essais de Djaout, un poète «révolté», signalant que c'est l'une des caractéristiques essentielles de l'écrivain. «Il n'existe pas de poète gentil», opine-t-il. L'écrivain Ben Mohamed, parolier de la célèbre chanson Avava Inouva de Idir, reconnaît en Djaout celui qui a pu rendre une «lecture transparente» de la question culturelle en Algérie post-indépendance. Dans une conférence au CCA en 1991 à Paris, l'auteur des Vigiles définissait la «nouveauté» des poètes post-indépendance par le fait qu'ils «échappent, dans leur majorité, aux limites sclérosantes de l'objectivisme et de la célébration utilitaire. Ces poètes qui ne refusent pas d'avoir peur ou de douter». Le documentaire retrace, plus loin, le passage de feu Djaout du profil de ciseleur des mots à celui de romancier, puis au journaliste à la plume acerbe. De cette dernière expérience journalistique, ses anciens collègues à Algérie Actualité, Arezki Metref et Abdelkrim Djaad parlent d'un Djaout «plus engagé, rejetant tant le pouvoir que les thèses islamistes», en ce début des années 1990. Ces positions seront affichées dans l'hebdomadaire Ruptures en janvier 1993 et dans l'ouvrage Post-mortem de Djaout Le dernier été de la raison. Louis Gardel, des éditions Le Seuil, évoque un «texte politique très engagé» en parlant de la dernière oeuvre du défunt écrivain qui, déjà, s'interrogeait: le printemps reviendra-t-il?, Un poète peut-il mourir? Le film prend fin avec l'annonce de la mort de l'aède et les réactions attristées qu'elle a suscitées notamment auprès de sa famille, de ses proches et collègues de travail. La projection a été suivie d'un débat lors duquel le réalisateur Abderrezak Larbi Cherif, a surtout évoqué l'homme d'ouverture qu'était Djaout. Pour lui, les écrits de Djaout «parlent» et permettent au villageois comme lui de se ressourcer et d'aller à la rencontre de l'écriture imagée. Des intervenants, pour la plupart des personnes ayant côtoyé feu Djaout, ont rappelé les valeurs intrinsèques de l'homme, notamment sa modestie, son nationalisme et son ouverture sur le monde. Evoquant ses projets, le réalisateur a confié à l'APS que des contacts ont été établis avec la chaîne de télévision algérienne (Entv) en vue d'une prochaine diffusion du film avec un doublage en arabe, l'oeuvre étant initialement doublée en langue amazighe. «Un poète peut-il mourir? - Amedyaz Uryetmetat» est la deuxième oeuvre filmique de Larbi Cherif. En 2010, il avait décroché l'Olivier d'or au Festival du film amazigh de Tizi Ouzou avec son portrait Kamel Hamadi, l'art en fréquence, une réalisation également primée au Festival international de Marrakech (Maroc), en novembre dernier.