Le gros des troupes était réuni, le 21 novembre, à Bab El-Oued. Toute l'artillerie des réconciliateurs était présente, avant-hier, dans la maison familiale de feu Abdelkader Hachani, assassiné il y a trois ans jour pour jour. Ali Djeddi, Kamel Guemazi, Ali Yahia Abdenour, Ahmed Taleb Ibrahimi, Fatah Rebii, Khaled Bensmaïl et le collectif des avocats des Hachani étaient là pour passer aux autorités un message clair et poser de tout leur poids pour faire pièce à la poussée des éradicateurs. Au-delà de l'aspect commémoratif de la mort de Hachani, personnage désormais emblématique de la mouvance islamiste, les messages lancés à l'endroit des autorités et des éradicteurs sont le thème fort de ce conclave des réconciliateurs. D'un côté, il s'agissait de démontrer que la mouvance islamo-nationaliste, qui se trouve hors des cercles décideurs, est encore assez influente pour former un bloc assez cohérent et, ainsi, essayer de peser sur le cours de événements. La présence de Taleb Ibrahimi et des anciens leaders du FIS suggère ce message, tout autant que celle de Khaled Bensmaïl, leader du MDA et dont les accointances avec Ben Bella sont évidentes, et Fatah Rebii, un des hommes forts du mouvement Ennahda. D'un autre côté, ce groupe semble faire pièce à l'obédience dite éradicatrice, dont on connaît l'influence et les hommes qui la constituent. Cette mouvance, depuis plusieurs mois déjà, a sorti le grand jeu, en appelant les autorités à redoubler de vigilance face au péril islamiste, notamment, si la libération de Ali Benhadj et Abassi Madani venait à se confirmer, et en les mettant en garde contre tout compromis où les islamistes auront droit de cité. Pour donner de la consistance et du consensus à sa réunion, le groupe des réconciliateurs renouvelle son appui à l'option d'une réconciliation nationale et réitère sa demande de libération des deux chouyoukh du parti dissous ainsi que le solutionnement du dossier des disparus et l'élargissement des prisonniers d'opinion. Si l'on considère bien les énoncés de ce fourre-tout, sorte de plate-forme des réconciliateurs, l'on constate qu'ils ne dérangent pas outre mesure le Président de la République. Au contraire, à bien regarder, ils pourraient même constituer un appui important pour un Président qui cherche encore une base assez puissante, et qui, dans le même temps, souscrit à ses options politiques. Est-ce, donc, un clin d'oeil à l'endroit de Bouteflika? La libération de Ali Benhadj et de Abassi Madani cache, en fait, des enjeux ébouriffants. Il s'agit d'abord de voir quel poids réel représentent aujourd'hui l'un et l'autre des deux hommes. Abassi Madani, président et porte-parole de l'ex-FIS, va sur ses 71 ans et son état de santé décline à vue d'oeil. Cette situation a créé une véritable lutte de succession dans les structures internes du parti et dont ont profité les initiateurs du CC-FIS lors du congrès de Bruxelles pour se propulser aux commandes. Cependant, et au vu de la réunion d'avant-hier, il semble bien établi que c'est le groupe algérois (Djeddi, Guemazi, Boukhamkham) et leurs relais outre-Méditerranée (Kebir, Omar Abdelkader, etc) qui ont véritablement le dernier mot. D'autres enjeux peuvent se greffer à cet événement et constituer une force d'appui, ou, au contraire, un motif de mise en garde contre la (re) montée islamiste, selon que l'on se place dans ou hors de l'option de la réconciliation nationale. Pour cela, il y a lieu de s'attendre (chemin faisant vers la présidentielle de 2004) à une véritable lutte de clans qui mettrait face à face, encore une fois des acteurs politiques qui n'ont pas appris à vivre ensemble.