Au moment où le chômage frappe des millions de jeunes dans le monde, l'OIT veut revoir les fondamentaux d'une mondialisation qui a enrichi les riches et aggravé la paupérisation des démunis. Les membres de l'Organisation internationale du travail se retrouvent aujourd'hui à Genève pour une 100e Assemblée «historique» réclamant «des changements fondamentaux» dans la mondialisation alors que la colère des jeunes, particulièrement frappés par un chômage record, se propage en Europe. «C'est un moment historique pour notre organisation qui se reflète dans le nombre d'invités», a commenté le directeur général adjoint du secrétariat de l'OIT, Guy Ryder. Parmi eux, la chancelière allemande, Angela Merkel, ainsi que le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, interviendront les 14 et 15 juin devant les quelque 5000 représentants des gouvernements, employeurs et travailleurs de l'organisation tripartite, réunis durant 17 jours. Ces derniers doivent évoquer «les changements sociaux majeurs» qui sont en cours au Moyen-Orient et en Afrique du Nord alors que «le monde reste confronté à des défis persistants, comme la crise économique mondiale et la crise de l'emploi», explique l'OIT. De fait, selon ses dernières données, la débâcle économique a poussé le chômage à des niveaux record depuis 2009. En 2010, 205 millions de personnes continuaient d'être sans emploi dans le monde. Et 2011 ne s'annonce pas sous de meilleurs auspices, en particulier pour les économies riches, plombées par le ralentissement attendu de leur produit intérieur brut. Les jeunes (80 millions de chômeurs) en sont les premières victimes, subissant de plein fouet, selon l'organisation basée à Genève, un modèle de croissance qui ne fonctionne plus. «Il s'agit-là sans nul doute de l'une des causes des soulèvements des populations en Afrique du Nord et au Moyen-Orient» mais aussi «des grandes manifestations» dans plusieurs pays industrialisés comme l'Espagne ou la Grèce, explique le directeur général du secrétariat de l'OIT, Juan Somavia. Pour M.Ryder, ce chômage (plus de 40% en Grèce ou en Espagne) remet même «en question la stabilité sociale de plusieurs pays». D'autant que les entreprises ont renoué avec des bénéfices d'avant crise, mais les plus démunis subissent le choc des plans d'austérité, regrette l'OIT selon laquelle il est grand temps de revoir un système creusant durement les inégalités. L'OIT réclame «des changements fondamentaux pour la mondialisation», insiste M.Ryder reconnaissant toutefois qu'elle avait besoin «d'une locomotive politique» pour faire accepter l'idée d'une «croissance efficace et socialement responsable» où les intérêts financiers sont remplacés «par les besoins à la fois des entrepreneurs et des travailleurs impliqués dans l'économie réelle». Si peu a été fait depuis la promesse en 2009 du président français Nicolas Sarkozy et de son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva de mettre l'emploi au coeur des politiques de reprises du G20, les recettes de l'OIT semblent malgré tout faire leur chemin. Présidant le cercle des économies les plus riches de la planète, Nicolas Sarkozy a ainsi évoqué, fin mai, des voies pour une mondialisation plus juste, comprenant le développement de socles de protection sociale ainsi que des politiques prioritairement axées sur l'emploi et le respect du droit du travail, trois thèmes chers à l'OIT. Ainsi, la crise a donné une nouvelle légitimité au plus vieil organe onusien dont les discours «sociaux» longtemps ignorés trouvent désormais un écho dans les instances internationales. Le directeur démissionnaire du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, avait ainsi multiplié les contacts ces derniers mois avec l'organisation, désormais présente dans les G20. Son intervention, qui devait être un des grands moments de l'Assemblée, a dù être annulée en raison des accusations de crimes sexuels le visant aux Etats-Unis.